Claude Meyroune : création du Front National de Lutte

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Témoignages (suite) : La création du Front National de Lutte pour l’indépendance de la France et la préparation de la lutte armée à Bordeaux :

Les extraits ci-dessous, d’une note rédigée en août 1990 par Claude Meyroune témoin de l’époque, montre comment évolue et se développe en Gironde la Résistance en cette année 1941.

« ….. J. Panié-Dujac me met alors, en relation avec Jean (son nom René Jullien ne sera dévoilé qu’après son arrestation en juillet et son procès). Jean est interrégional clandestin de la Jeunesse communiste et assure la liaison entre le Sud-Ouest occupé et Paris. Il est clandestin et il est nécessaire de lui procurer des tickets d’alimentation et de l’aider financièrement.

Je le rencontre environ tous les quinze jours entre midi et treize heures, à la sortie du lycée… Nous partageons mon repas que j’apporte dans une gamelle et causons tranquillement: point de la situation, l’activité, les tracts.

René Jullien me fait rencontrer deux responsables clandestins : l’un, très brun, fin mars 1941 (au moment du coup d’état pro-allemand à Bagdad), l’autre présenté comme “Armand” en mai 1941 (?).

Tous deux, après un exposé sur l’évolution de la situation (Bagdad, puis avec Armand, l’envahissement de la Yougoslavie par les nazis, et la résistance des Yougoslaves) développent l’idée de la nécessité de former un “Front National pour l’Indépendance de la France”.  Aussi je ne suis pas surpris lorsque fin mai 1941, arrive le tract annonçant la création du FNL, officiellement.

Huma FNL                                  Huma FNL_p2

l’Humanité clandestine p.1                             p.2 (archives ASFS)

Notre groupe de lycéens entretenait déjà de bonnes relations avec des gaullistes non organisés. Il en était de même chez les étudiants. La création du FNL a été accueillie favorablement. Nous faisons circuler, l’Huma, Avant-Garde, les tracts locaux… Nous éditons nos propres tracts… Nous réalisons… des sorties nocturnes pour faire des inscriptions sur les murs… Notre groupe… collecte argent, tickets, vêtements pour la solidarité avec les familles d’internés et les clandestins. Nous lançons un Front National des Étudiants de Bordeaux.

En juillet 41, la formation de “groupes armés” est envisagée avec des volontaires venant de la JC, des étudiants du FNL… Jean Panié-Dujac nous met en relation avec “Joseph” (Raymond Nazereau) qui nous explique la mission dont il a été chargé. Il nous donne des idées sur les moyens de se procurer des armes (agresser des soldats allemands)… Il nous indique des objectifs à atteindre, la discipline à observer.

Panié-Dujac qui a fait son service militaire nous fait “une initiation militaire” (maniement d’un fusil-mitrailleur) dans le bois de Mérignac dans le courant du mois d’août et septembre 1941. À titre d’exercice nous coupons une ligne téléphonique… en septembre nous participons aussi à l’organisation de l’évasion de Lecourt et Williams du camp de Mérignac.

Nous sortons aussi des valises de “matériel” à la gare Saint Jean. Le jour de l’exécution du capitaine Reimers, le 21 octobre vers 19h, j’ai sorti une valise (bien lourde) que j’ai portée à une “planque” dans une petite rue donnant rue du Mirail… ». (Il s’agit probablement du magasin de Jean-Bernard Bonnafon, rue des Augustins.)

En conclusion, citons encore Claude Meyroune arrêté le 6 janvier 42 et déporté :

« L’exécution de nos camarades otages, à Souge, Châteaubriant et Nantes (Nous connaissions : René Jullien, Jean Michel qui était au lycée Longchamp avec nous), nous émeut profondément. Nous participons à une manifestation de recueillement, le premier novembre au cimetière de Talence, où l’on dit que les fusillés ont été enterrés. Nous voulons les venger. »

L’intégralité de la note de Claude Meyroune a été publiée par l’Institut Aquitain d’Études Sociales, bulletin numéro 61 de novembre 1993.