Dès l’automne 1944, par une manifestation à l’appel de la CGT, un premier honneur est rendu aux fusillés dans les rues de Bordeaux. Depuis, chaque année, à l’initiative de l’association, une cérémonie principale leur rend hommage, sur les lieux des fusillades au camp militaire de Souge (commune de Martignas-sur-Jalle), le dimanche le plus proche du 24 octobre, ce jour de 1941 où s’est déroulée la première fusillade massive.
Aujourd’hui, les familles et les organisations fondatrices se recueillent toujours à la « Première enceinte » où furent fusillés les cinquante otages du 24 octobre 1941,mais les honneurs militaires et civils sont concentrés sur le Mémorial érigé tout près de la « deuxième enceinte » où furent passés par les armes les autres sacrifiés. Deux gerbes sont également déposées à Martignas sur Jalle, l’une au monument aux morts de la ville, l’autre sur la stèle honorant le Corps-Franc Pommiès et les fusillés de Souge.
Chaque année, l’Association se fixe comme objectif d’aborder un aspect particulier de ces fusillades.
Les interventions :
Lecture des textes :
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des fusillés de Souge par Gérard Vignacq :
Mesdames et Messieurs,
Merci tout d’abord, pour leur présence,
À Monsieur le préfet (ou à son représentant)
À Monsieur le Général officier général de la zone de défense et de sécurité sud- ouest (ou à son représentant),
Aux représentants des institutions, aux élus(es), aux autorités militaires,
Merci aux municipalités de Bordeaux, Saint Médard et Martignas qui nous aident sur le plan matériel,
Merci au 13ème RDP pour sa contribution à la préparation du site,
Merci à la Chorale des Amis de l’Ormée, aux composantes, à tous ceux qui ont aidé à l’organisation de la cérémonie, aux familles, à vous tous qui vous êtes déplacés en ce dimanche après -midi.
Commémorer en 2024 la joie du 80 ème anniversaire de la Libération d’une partie du Pays en 1944 ne doit pas occulter que 1944 a été l’année la plus meurtrière ici à Souge, et que la fin de la guerre n’est intervenue que le 8 mai 1945.
Certes les nazis avaient abandonné la politique des otages, mais les revers militaires, les débarquements et avancées alliés, le développement de la Résistance intérieure et extérieure exerçaient une pression annonçant pour eux la défaite, les conduisant à démultiplier les déportations et à libérer leur sauvagerie tant pour la Wehrmacht que pour les SS.
102 résistants ont été fusillés durant les 8 premiers mois de cette année 1944.
La diversité est sans aucun doute la caractéristique à retenir : diversité des mouvements concernés, diversité des territoires d’intervention de la police et/ou des Allemands, diversité des origines géographiques des résistants et plus particulièrement des responsables qui face à la répression devaient changer d’affectation tous les trois mois environ, diversité enfin des nationalités des combattants. C’est également l’année où subsistent des interrogations, des doutes, sur l’identité des victimes, sur les autorités ayant ordonné les exécutions, sur les motifs des décisions allemandes.
Parce que cette année-là concentre aussi le plus grand nombre de jeunes engagés, nous avons, en ce 80 -ème anniversaire, décidé d’aborder la contribution de la jeunesse à la Résistance.
Sur les 102 fusillés, 44 d’entre eux avaient moins de 25 ans, 23 avaient moins de 20 ans, et 12 avaient moins de 18 ans.
5 d’entre eux appartenaient au Mouvement Honneur et Patrie 17,
8 au groupe FPT Bourgois,
5 aux israélites de Dordogne,
3 au groupe Marc,
6 au Maquis de Vignes-Oudides et
4 au Maquis d’Ychoux.
Ils étaient évadés des chantiers de l’organisation Todt, dans les équipes accueillant les parachutages, apprentis, ancien engagé dans l’armée de l’air et charpentier naval, responsables des Jeunesses communistes, étudiants disponibles pour l’action.
Il n’est malheureusement pas possible de tous les évoquer aussi retenons quelques profils singuliers.
André et Maurice (19 et 20 ans) devaient rejoindre un maquis du Lot. La veille de leur départ, le 18 septembre 43, ils dorment dans une grange chez un Résistant du groupe Honneur et Patrie qui doit les accompagner. Une perquisition dans la ferme, les voilà débusqués. Ils sont embarqués. Le 20 décembre ils sont condamnés à mort pour « intelligence avec l’ennemi » et fusillés le 11 janvier 1944.
Serge (18 ans) est né à Bruges. Il discute avec son père. Ils décident que celui-ci restera à la maison pour s’occuper du petit frère (c’est lui qui a entendu et rapporté la conversation) et que Serge va s’engager, ce qu’il fait dès le lendemain. Quelques jours après il est arrêté et sera fusillé.
Jean et Raymond (20 et 25 ans) du groupe FTP Bourgois participent aux déraillements de trains au lieu-dit La Vache à Bruges dans la nuit du 9 septembre 1943 et assassinent une sentinelle allemande toujours à Bruges le lendemain 10 septembre à 22h10. Lors de l’anéantissement du groupe ils seront condamnés pour actes de Franc-Tireur et fusillés le 26 janvier 1944.
Les frères Henri et Théodore (19 et 24 ans), lycéens parisiens, et les frères Claude et Lucien (17 et 20 ans) étudiants lillois, sont répertoriés sur la liste intitulée « Les 7 israélites ». Réfugiés en Dordogne ils sont engagés dans la Résistance locale. Lors des missions ponctuelles auxquelles les deux premiers participent pour le compte du groupe Armée Secrète Rolland, Henri y est infirmier et son frère lieutenant. Tous deux sont au travail dans les bois. Les Allemands vont les y chercher. Il semble établi qu’ils ont été dénoncés par un habitant qui avait fait parvenir à leur employeur des lettres de menaces. Condamné en 1945 à 3 ans de prison par le tribunal de Bordeaux, le dénonciateur a interjeté appel et a vu sa peine commuée en 3 ans …avec sursis.
Mais Théodore et Henri eux n’ont pas eu droit au sursis. Ils ont été fusillés le 19 avril 1944.
André (25 ans), étudiant strasbourgeois, réfugié à Clermont-Ferrand, gergoviote puis accomplissant des missions pour Combat, est arrêté, probablement sur dénonciation, dans un train à Puyoo. Il sera fusillé sous un pseudonyme le 1° août 1944.
Le 25 juillet 1944, la milice et la Wehrmacht attaquent le maquis de Vignes-Oudides près de Lesparre. 6 tués sur place. Marcel, Alphonse, Louis et Robert (20,21,19 et 25 ans), transférés au fort du Hâ seront fusillés le 1° aout.
Chez Serge la résistance est une affaire de famille. Le père, René, militant communiste muté d’office par Vichy sera arrêté, interné à Eysses et déporté. Le fils Serge, au fil des déplacements de la famille, s’engage et crée un groupe patriotique, organise quelques sabotages, un maquis en Lozère. Mais pourchassé par les Allemands il se retrouve dans les Landes à Ychoux pour une mission de sabotage d’un train en gare de Caudos. Encerclés par les Allemands les 4 survivants sont arrêtés, internés au Fort du Hâ et fusillés le 1er août 1944. Serge avait 17 ans.
Au terme du cycle du 80ème anniversaire des fusillades le travail continue bien sûr pour l’Association.
Toujours avec la volonté de porter haut ce qui fait notre singularité :
En regard de ce qui se passe dans le monde et en France aujourd’hui il est plus qu’indispensable de donner corps au slogan « Oublier ?…jamais ».
« Oublier ? …Jamais » Cette formule, pour être concrète, suppose au plan international comme au plan national, de bannir, chasser, éradiquer toutes les attitudes, les propos, les actes basés sur le rejet de l’autre.
« Oublier ?…jamais ».Cette formule, pour être concrète, suppose qu’en même temps soient prises les mesures économiques, sociales, politiques et d’éducation, pour la faire vivre.
Le « Vivre ensemble » appelle respect et moyens de vivre, de s’éduquer, de s’exprimer pour tous les êtres humains.
Le « Vivre ensemble » dans la paix et le respect de tous est à ce prix.
Et au moment où le bruit des bottes résonne de nouveau sur le continent européen comme à ses portes, le travail de Mémoire mené ici permet de rappeler l’inébranlable volonté pacifiste qui a animé les survivants de cette période. Dans la diversité encore, ils ont eu à cœur que la voix de la France soit celle de la paix et de la diplomatie. Puisse cette voix résonner plus fort encore aujourd’hui.
Merci.
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Dominique MAZON
Merci tout d’abord, pour leur présence, à Mr le représentant de Monsieur le Préfet, à l’officier général de la zone de défense et de sécurité sud-ouest, aux représentants des institutions, aux élus(es), aux autorités militaires,
Merci aux municipalités de Bordeaux, Martignas et Saint-Médard en Jalles pour l’aide et le prêt de matériel, au 13ème RDP pour sa contribution à la préparation du site,
Merci à la Chorale de l’Ormée, aux jeunesses communistes, aux composantes, à tous ceux qui ont aidé à la préparation de la cérémonie, aux familles, à vous tous qui vous êtes déplacés en ce dimanche après-midi.
Le 80ème anniversaire des fusillades de 1943 nous permet de répondre à notre objectif permanent de rendre hommage à Tous les fusillés, qui, dans leur extrême diversité, idéologique, politique, géographique, professionnelle, d’âge, de représentation des divers mouvements de Résistance, se sont battus avec abnégation contre l’envahisseur nazi et ses complices de Vichy.
Lorsque nous accompagnons les visiteurs pour une visite du Mémorial, nous avons coutume d’appeler leur attention sur le fait que les cycles de fusillades suivent le déroulement de la guerre et de l’occupation.
Et il en est bien ainsi, pour ce 80°anniversaire.
1943 est un tournant.
Cette année-là est marquée à Souge par deux exécutions :
Deux hommes, condamnés à mort en 1942 et considérés comme espions, seront fusillés : Gustave Deflandre et René Hontangs. Gustave Deflandre, prisonnier évadé, condamné le 3 juillet 1942 sera exécuté six mois après. René Hontangs, accusé d’avoir agressé un militaire allemand est exécuté le 13 octobre.
Après l’hémorragie de 1942 avec ses 99 morts à Souge et avant les 102 fusillés de 1944, d’autres choix seront faits pour l’élimination des résistants.
Après les succès militaires allemands d’importance en particulier à l’Est, et les massacres qui y sont attachés, au cours de l’année 1942, la guerre devient mondiale.
Les alliés débarquent en Afrique du Nord en novembre, entrainant la création d’un second front, attendu par l’Union soviétique pour soulager ses efforts depuis l’invasion de 1941. La réponse, le 11 novembre 1942, c’est l’occupation de l’ensemble du territoire par l’Allemagne
Mais ce sera aussi la politique de la Relève mise en place par Laval qui est un échec, mais dégrade l’image du gouvernement de Vichy. Du côté allemand la politique des otages est analysée comme contre-productive, et la déportation va être démultipliée.
En Europe, la défaite allemande devant Stalingrad en février, va accélérer l’évolution.
Ces éléments vont avoir un impact fondamental sur l’état d’esprit des populations occupées : l’Allemagne n’apparait plus invincible.
Devant le besoin allemand de main d’œuvre, la création du STO, la multiplication des déportations qu’elles soient en vue du travail forcé ou de l’extermination, la résistance va se développer, se structurer, et choisir de se rassembler pour l’indépendance nationale derrière le Général de Gaulle, écartant le général Giraud représentant les appétits anglo-américains sur notre pays.
Cette ambition va permettre, dans la diversité des opinions d’imaginer le renouveau de la France avec le Conseil National de la Résistance.
Mais il ne faut jamais oublier que le nazisme est une idéologie totale.
Himmler avait déclaré dans un discours peu après les funérailles de Reinhard Heydrich qu’il faudrait « remplir nos camps avec des esclaves… avec des serfs qui construiront nos villes, nos villages et nos fermes sans que nous nous souciions des pertes quelles qu’elles soient ».(cité dans « la Révolution culturelle nazie » p. 112)
Et c’est ce qui va être mis en œuvre. Pour tous ceux qui n’appartiennent pas à la « race des élus », les adversaires de tous ordres : communistes, marxistes et organisations apparentées, gaullistes, résistants divers, saboteurs, émigrés, francs-maçons, juifs, tziganes, homosexuels.
C’est aussi ce qui va être appliqué pour les femmes résistantes.
Dans la conception nazie, héritée de l’empire, le rôle des femmes se résumant dans les 3 K (Kindern, Küche, Kirche) c’est à dire les enfants, la cuisine et l’église, elles ne peuvent subir une exécution par fusillade, réservée aux combattants. Leur statut inférieur dans une société dominée par les hommes, n’en fait pas pour autant pour le régime des ennemies négligeables. Elles peuvent donc relever de la catégorie des serfs telle qu’indiquée ci-avant.
Concernant les femmes, justement, écoutons quelques textes nazis :
Ayant le devoir de se reproduire, celles qui y manqueront,
«devront être évaluées du point de vue social et moral comme elles le méritent. Elles n’ont pas plus de valeur que le planqué ou, au pire, le soldat déserteur. La guerre totale va donc aussi mener à une révolution contre les concepts moraux hypocrites de l’âge bourgeois ».(revue SS Leitheft n°2 1944).
Ou encore :
« Quiconque considère le mariage du point de vue de la race, comprendra tout de suite…qu’il n’y a là aucun mépris de la femme, mais sa naturelle subsomption (il faut entendre subordination) sous les intérêts de la race. » (cité dans « la révolution culturelle nazie » P. 219
Ces citations montrent que derrière les discours publics, hier comme aujourd’hui se tapissent des idées nauséeuses mettant en danger les libertés.
Donc, femmes et résistantes, les épouses, mère, sœurs compagnes de fusillés à Souge, Hélène ANTOINE, Yvonne BAUDON, Georgette BRET, Germaine CANTELAUBE, Hélène CASTÉRA, Elisabeth DUPEYRON, Noémie DURAND, Ida GOLDMAN, Marcelle GIRARD, Aminthe GUILLON, Yvette GUILLON, Berthe LAPEYRADE, Yvonne NOUTARI, Yvonne PATEAU, Pauline POMIÈS, Marie-Thérèse PUYOOU, Paula RABEAU, Margot VALLINA, étaient l’exemple contraire à la conception nazie. Celles qui ont été embarquées dans le convoi du 24 janvier 1943, sont décédées à Auschwitz entre février et juin 1943.
Ce sont les pertes dont selon Himmler il n’y avait pas lieu de se soucier.
Mais toutes et tous, nous entretenons leur souvenir de combattantes pour la liberté.
Les déportations ne suffisaient pas à empêcher le développement de la Résistance.
Les exécutions de 1943, les déportations, ne signifient pas que la répression est éteinte au cours de l’année.
Face à l’insécurité croissante pour les occupants, Vichy, sur injonction nazie, crée la milice française le 30 janvier 1943. Les polices françaises de leur côté, depuis longtemps compétentes dans la traque des communistes, se mobilisent pour juguler la Résistance En 1943, les sabotages et agressions anti-allemandes se multiplient. Leur but de faire en sorte que les occupants ne se croient pas installés, avec une population apathique, est atteint.
La chasse aux gaullistes, et aux différents réseaux et groupes va aussi s’accentuer. 1943 sera une année de traque visant toutes les formes d’opposition. Il ne faut jamais oublier le rôle actif de français dans les rafles de juifs, et dans la poursuite des résistants. Tout cela dans le but de les livrer aux nazis.
Lorsque nous célébrerons le 80ème anniversaire des fusillades de 1944, c’est le résultat de la grande diversité de cette répression qui apparaitra.
Nous voyons bien à la lumière de ce qui se passe dans le monde, la nécessité de toujours combattre les résurgences des idées qui ont amené à l’élimination des populations jugées indésirables tant les juifs, les tsiganes, les homosexuels que les combattants de la Liberté que nous honorons aujourd’hui.
Demeurer vigilant alors que dans de nombreux pays reviennent l’autoritarisme, la division entre les « bons » citoyens et ceux que l’on exclue, la guerre. Nous ne devons pas nous y tromper, les idées d‘extrême-droite sont aujourd’hui masquées derrière des motifs qui dissimulent le rejet de l’autre, la xénophobie. Il nous faut donc, inlassablement rappeler où ont mené ces idées.
Merci
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge. Jean Lavie.
Mesdames et Messieurs,
Merci tout d’abord, pour leur présence, à Mme la représentante de Mme la Préfète, au représentant de l’officier général de la zone de défense et de sécurité sud- ouest, aux représentants des institutions, aux élus(es), aux autorités militaires,
Merci aux municipalités de Bx et Martignas pour le prêt de matériel, au 13ème RDP pour sa contribution à la préparation du site,
Merci à la Chorale de l’Ormée, aux composantes, à tous ceux qui ont aidé à la préparation de la cérémonie, aux familles, à vous tous qui vous êtes déplacés en ce dimanche après midi.
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Le 80ème anniversaire des fusillades de 1942 nous permet de répondre à notre objectif permanent de rendre hommage à Tous les fusillés, qui, dans leur extrême diversité, idéologique, politique, géographique, professionnelle, d’âge, de représentation des divers mouvement de Résistance, se sont battus avec abnégation contre l’envahisseur nazi et ses complices de Vichy.
1942 se caractérise en début d’année par une série de fusillades de résistants isolés arrêtés souvent pour des délits individuels comme les détentions d’armes. L’action contre les groupes de résistants, c’est d’abord en mars, la fusillade des jeunes chrétiens partis en vélo du Nord vers Poitiers pour certains, venant de Caudrot pour un autre, pour s’engager dans les Services Spéciaux de la Défense Nationale au sein des réseaux de renseignements Chabor, Vénus et Kléber. En juillet, ce sont les membres du réseau Jove liés à l’Intelligence Service (l’épouse de René Jacob est anglaise) qui sont pris avec leur valise radio et passés par les armes. L’un d’entre eux, inspecteur de police stagiaire à Reims est connu comme franc-maçon.
Mais 1942 ce sont aussi 77 otages sur 99 fusillés. Aussi nous nous attarderons cette année sur « La politiques des otages » menée par les allemands en 41, 42 et début 43.
Si durant l’occupation il y a eu de multiples catégories de victimes, les « otages » fusillés au sens de la « politique des otages », ont été 725 au plan national.
L’historiographie est aujourd’hui clarifiée et nous permet de dire que sur ces 725, 127 ont été tués à Souge soit 18%, 50 en 1941 et 77 en 1942. Les deux autres centres importants de fusillades d’ »otages » sont le Mont Valérien et Châteaubriant.
La « politique des otages » répond à une situation précise : mi 1941 le PCF clandestin décide de passer à la guérilla armée et tant à Paris qu’en province des attentats contre des militaires allemands sont engagés. Le 15 septembre 1941, un décret du Maréchal Keitel (collaborateur direct de Hitler) décide une répression très organisée et ciblée définie autour du « code des otages », et de procédures spécifiques engageant les plus hautes autorités nazi, la Wehrmacht mais aussi la police française. Bien sûr cette législation est mise en place hors de tous droits, hors des règles de la guerre et de la convention de La Haye.
Ce code classe ceux qui seront prioritairement inscrits sur des listes, les auteurs supposés des attentats, les distributeurs de tracts, ceux qui sont suspectés d’agir et de manifester contre la présence allemande notamment et le Maréchal Keitel de préciser dans son décret : » Dans tous les cas de révolte contre les forces d’occupation allemandes, il y a lieu, quelles que puissent être les conditions particulières, de conclure à des origines communistes. » Il précise aussi que pour un allemand tué, de 50 à100 otages seront fusillés. 3 critères sont définis : les otages doivent être déjà détenus, il n’ y aura aucun rapport entre l’otage et l’évènement générateur et il n’y aura pas de jugement.
Quelles sont ensuite les procédures de désignation ? Suite à un ou à des attentats, le commandant militaire allemand en France décide à son initiative et/ou sur demande de Berlin d’un nombre de fusillés (négocié entre ces deux autorités) en fonction du nombre d’allemands abattus ou blessés et propose des lieux de fusillades. Les autorités locales allemandes envoient à Paris les dossiers des supposés fauteurs de troubles choisis par eux mêmes et par la police de Vichy et c’est le commandant en chef de la Wehrmacht en France qui arrête la liste, en appliquant la doctrine de glisser quelques gaullistes avec les communistes dans les listes en 1941, et quelques non-communistes et des juifs à partir de début 1942.
Ainsi 77 otages sont fusillés à Souge en 1942 :
Mais début 1943, sans aucun doute parce que cette politique est appréciée comme contreproductive et que les allemands ont besoin de main d’œuvre, des listes d’otages « déportables », et non plus « fusillables » apparaissent. C’est ainsi que notre ancien président Jo Durou, classé otage et individu dangereux comme d’autres militants au Centre de Séjour Surveillé de Mérignac-Beaudésert sera d’abord envoyé au Fort du Hâ, puis déporté à Sachsenhausen. C’est aussi l’accélération des déportations de juifs.
Hormis à l’Est de l’Europe où elle fut menée à grande échelle, cette politique des otages a été une particularité française, et s’explique par une réalité nationale spécifique, avec un combat idéologique très fort, une guérilla bien réelle, un régime de Vichy acquis au nazisme, une collaboration qu’il fallait ménager et à qui il était utile de donner des gages.
Même si le contexte a quelque peu changé, ces enjeux idéologiques sont toujours prégnants dans notre société, et le travail de mémoire pour s’opposer au racisme, à l’anti sémitisme, à toutes les exclusions, à toutes les procédures mettant en cause les droits humains et la démocratie, reste d’actualité pour notre association, et je le crois facilement, pour vous tous ici également, et au nom de nos fusillés et de leurs familles je vous en remercie.
Enfin vous avez remarqué, fixés sur les stèles (en verre et donc non modifiables) de petits panneaux, pour rendre aux fusillés, suites aux nombreuses recherches et aux contacts avec les descendants depuis la construction du Mémorial en 1998, leur véritable identité, leurs vrai nom et prénom et/ou âge. Nous leur devions bien cela à eux ainsi qu’à leurs familles.
Nous sommes à nouveau confrontés à la guerre. En Ukraine et ailleurs, des peuples souffrent et en sont victimes. Et face aussi au retour des idées nauséabondes, continuons notre lutte commune pour la paix, poursuivons notre travail de construction d’un vivre ensemble fait de liberté, d’égalité et de fraternité.
Une journée pas comme les autres
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Dominique MAZON
Je souhaite avant toute chose m’associer aux remerciements adressés à chacun par Jacques Padie au nom de notre Association. Merci aux représentants de l’État, de l’armée, aux élus, familles, organisations et individuels ainsi qu’à celles et ceux qui contribuent à l’organisation et au déroulement de cette cérémonie.
Il y a 81 ans, en août et en décembre, deux hommes tombèrent ici : Israël Karp et Lucien Mourgues.
Il y a eu 80 ans hier, Pierre Lérein, 20 ans, a été fusillé dans ce camp et inhumé à Martignas.
Il y a 80 ans, aujourd’hui-même le 24 octobre 1941, ils furent 50 à payer de leur vie leur engagement contre l’occupant …
Peu à peu, la France, frappée de stupeur par la défaite militaire et l’envahissement, se remettait en mouvement.
Les premières oppositions individuelles se fédéraient en mouvements. Oh ! Encore peu de choses : les balbutiements de la lutte pour la Libération.
Mais l’imagination ne manquait pas : certains tentaient de partir pour répondre à l’appel de de Gaulle, d’autres relevaient les plans des installations allemandes pour les transmettre à Londres, les communistes dont certains étaient internés depuis novembre 1940, se réorganisaient. Ceux qui étaient libres ronéotant et diffusant des tracts, ceux qui ne l’étaient pas créant dans l’enceinte du camp de Mérignac ce qu’ils appelaient « l’Organisation Spéciale ».
Puis les premiers attentats ont commencé.
À Nantes, puis à Bordeaux.
L’occupant nazi n’a pas tardé à présenter la note en appliquant une ordonnance de Keitel mettant en place la politique des otages : pour 1 allemand tué, 50 hommes seraient fusillés.
Le 22 octobre, 48 hommes en seront les victimes à Châteaubriant, Nantes, et au Mont Valérien.
À Bordeaux, suite à l’exécution d’un conseiller militaire sur les boulevards, le 21 octobre, les allemands vont sélectionner 50 noms dans des listes établies selon leurs exigences, en application de l’ordonnance Keitel, par la Préfecture.
Ainsi est-il précisé dans une note du 15 octobre 1941 :
…sont à considérer comme otages :
1°- Tous les français détenus de quelque façon que ce soit par les services français en France pour les services allemands. Sont compris :
a) tous les Français se trouvant détenus de quelque façon que ce soit par les services français à cause de leur activité communiste ou anarchiste.
b) Tous les Français contre lesquels à la demande des Tribunaux de l’Armée allemande sont prononcées des peines de détention par les autorités répressives françaises.
c) Tous les Français qui, à la demande des autorités allemandes sont arrêtés par les autorités françaises et maintenus en détention, ou sont remis aux autorités françaises par les autorités allemandes avec l’ordre de les maintenir en détention.
2°- les habitants apatrides, qui habitent en France depuis longtemps et qui tombent dans l’un des groupes a) b) c).
Le lendemain le directeur du camp rédigeait une note dont le contenu strictement administratif nous choque car il s’agit en fait de vies humaines. Ce texte figure sur le cheminement, vous pouvez le consulter dans sa froideur narrative.
Heure d’exécution 9h pour tous : les 35 de Mérignac et les 15 extraits du Fort du Hâ, gaullistes et communistes, pour que le compte soit exact.
Mais vous le savez, à Souge comme dans le reste du pays, ce n’était qu’un début.
Les fusillades ne vont plus cesser, un par un, ou par groupe.
Ceux qui sont visés, ce sont ceux qui appartiennent à la Résistance dans toute sa diversité, Résistance qui sans être le fait de toute la population s’étend ; de gestes individuels à la si dangereuse participation aux mouvements, quels qu’ils soient.
En 1942, 99 patriotes seront exécutés dans cette enceinte.
En 1943, la solution sera différente, la nécessité de renforcer les fronts, née du débarquement allié en Afrique du Nord, de la libération de la Corse et de la victoire soviétique à Stalingrad entrainera l’envoi des résistants dans des camps où ils devaient travailler si besoin était jusqu’à l’épuisement et la mort.
Deux hommes seront cependant exécutés ici.
Le nazisme n’a pas baissé la garde.
Depuis 1942, la déportation des « indésirables » a commencé. Et va se poursuivre jusqu’à mi-44.
Les indésirables ? Les juifs, dont 6 millions seront exterminés, les tziganes, les espagnols, les homosexuels, les handicapés et tous les opposants : communistes, socialistes, gaullistes, sans parti etc.
L’élimination physique va viser tous les opposants.
Hommes et femmes.
Georgette Bret, Germaine Cantelaube, Noémie Durand, Marcelle Girard et Marie Thérèse Puyoou veuves ou soeur d’un fusillé du 24 octobre, arrêtées pour activité résistante décéderont en déportation.
Durant l’année 43, les polices française et allemande vont pourchasser les opposants.
Et 1944 sera l’année la plus meurtrière à Souge. 102 fusillés.
Ces hommes avaient pris une décision : ne pas rester sur le côté en attendant que des jours meilleurs arrivent comme par enchantement.
Ils s’étaient engagés. On ne peut pourtant pas dire qu’ils étaient tous sur la même longueur d’onde !
On trouve Jean Chauvignat, militant communiste, ancien des brigades internationales ou Louis Guichard, gaulliste, étudiant à Montaigne.
En 1942, Pierre Crassat du réseau Jove, policier stagiaire, franc-maçon, travaillant pour Londres côtoie Gabriel Fleuraux, ébéniste, militant communiste, chef de son groupe FTP.
En 1944, Pierre Wiehn, du réseau Honneur et Patrie, qui voulait devenir prêtre subira le même sort que Charles Bochard, le rugbyman FTP jurassien ou Giusto Carione, l’ouvrier polisseur italien, FTP aussi.
Engagés aussi, les frères Haym et Aspis, jeunes juifs, réfugiés en Dordogne qui aidaient la Résistance locale.
Le 1°Août avec ses 48 exécutions va être le reflet de cette France en lutte.
Et pourtant il n’était pas facile de s’engager dans la lutte de libération, et de s’engager auprès « d’autres » et avec « d’autres » dont les valeurs sont différentes.
Il n’est jamais facile de s’engager.
Nous nous souvenons toujours du texte du pasteur Martin Niemöller, déporté à Sachsenhausen et à Dachau :
« Quand les nazis sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas communiste
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas syndicaliste
Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas juif
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas catholique
Et, puis ils sont venus me chercher.
Et il ne restait plus personne pour protester ».
S’engager, cela n’est pas facile mais c’est essentiel pour la vie sociale et la démocratie.
Il ne suffit pas de tempêter contre ce qui déplait et de se mettre sur le côté.
On a vu, à l’époque que ce qui a permis la victoire c’est le soulèvement d’un peuple, son rejet des racismes, des politiques de boucs émissaires, d’exclusion, de domination.
Pour elles et eux la question n’était pas de se draper dans l’étendard bleu-blanc-rouge, mais de lui redonner tout son sens dans une France ouverte et diverse.
Rester sur le côté, aujourd’hui encore c’est courir le risque de voir à nouveau se répandre les puanteurs de la xénophobie et du rejet.
Familles, amis, héritiers de ceux qui sont morts ici, notre devoir est de ne jamais s’abstenir de raconter, d’agir, de participer pour que ne renaissent pas les exclusions, pour la Liberté.
Merci à eux.
En concertation avec les autorités civiles et militaires, nous avons, pour les raisons que vous connaissez, opté cette année pour une cérémonie restreinte.
Pour voir les images, cliquer sur le lien : https://youtu.be/XUCHnJpaGXU
Dans ces conditions particulières, merci de leur appui et de leurs présences à
– Monsieur Christophe Noël Du Payrat , Secrétaire Général de la Préfecture de la Gironde, Sous Préfet de l’Arrondissement de Bordeaux, représentant Mme Fabienne Buccio, Préfète de Nouvelle Aquitaine,
– Monsieur le Lieutenant Colonel Frans-Yann Wingham, commandant en second du 13ème RDP, représentant l’Officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest et Mr Le Chef de Corps du 13ème RDP,
– Mr Le Député Eric Poulliat,
– Monsieur Arnaud Darfeuille, Conseiller départemental, représentant Mr Jean Luc Gleyse Président du Conseil départemental de la Gironde,
– Monsieur Alain Anziani, Président de Bordeaux Métropole, Maire de Mérignac,
– Monsieur Vincent Maurin, Maire Adjoint de Bx du Quartier Bx Maritime, représentant Mr Pierre Hurmic Maire de Bordeaux,
– Monsieur Jérome Prescina Maire de Martignas sur Jalle
Merci également aux représentants de nos composantes :
Depuis l’automne 1944, tous les ans, un Hommage est rendu aux 256 victimes de la barbarie nazi et du zèle de la police française. Et malgré la situation sanitaire il nous paraissait impensable qu’il n’y ait pas d’Hommage cette année.
Impensable car c’est bien, grâce, à la Résistance intérieure, extérieure, à nos alliés, à l’alliance démocratique des forces politiques et sociales dans leurs différences et leurs diversités, à la volonté collective d’indépendance nationale, que le pays a été libéré. Libéré de l’idéologie et de l’occupation nazie, fondée sur le rejet de l’autre, et faites d’antisémitisme, d’anticommunisme, d’antisocialisme, d’antigaullisme, d’exclusions de toutes sortes, de répressions de toutes celles et tous ceux qui n’étaient pas conformes aux concepts nazis et/ou se rebellaient. Et ce qui est remarquable et encourageant c’est que ces forces de Libération portaient des valeurs progressistes de reconstruction de notre Pays que l’on a retrouvées dans le programme du CNR, dans les décisions prises tant par le Général de Gaulle, que par Alexandre Parodi, Ambroize Croizat ou Pierre Laroque dans la construction de la Sécurité Sociale en particulier, que chacun qualifie en ces jours difficiles de filet de sécurité pour l’ensemble de la population.
Et l’ignoble attentat de la semaine passée, les fréquents actes antisémites, comme les actes révisionnistes ou négationnistes, d’Oradour sur Glane récemment, ou d’hier contre le siège du PCF à Paris, nous confortent, s’il en était besoin, dans l’utilité du travail de Mémoire, pour préserver la liberté d’exprimer, d’enseigner, de penser.
Ce que nous voulions dire également, c’est que pour l’Association les recherches doivent continuer et continuent. Par exemple nous venons d’avoir confirmation, certificat de naissance à l’appui, que le jeune de 16 ans fusillé le 1/8/44, enregistré sous le nom de Raymond Eyre se nommait en fait Christian Eyère. De même, retardé par la crise sanitaire notre projet de collecte des témoignages des descendants des fusillés dans la perspective de réalisation d’un support numérique type « valise pédagogique » à destination des scolaires, est bien avancé.
Nous avions choisi cette année d’évoquer comme thème du discours de l’Association, en nous appuyant bien entendu sur la vie et l’action des fusillés, « Leur engagement patriotique commun et collectif à partir d’une extrême diversité de convictions philosophiques, idéologiques, politiques, familiales, religieuses, associatives ».
Mais ce n’est que partie remise et nous espérons l’an prochain dans les conditions traditionnellement organisées pouvoir nous retrouver le dimanche 24 octobre 2021, pour marquer le 80ème anniversaire de la première fusillade massive du 24 octobre 1941.
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Dominique MAZON
Merci de leur présence au représentant de Madame la préfète, au représentant du Général officier général de la zone Sud-ouest, aux élus de la République, à l’ensemble des autorités civiles, militaires et religieuses, aux associations mémorielles, aux composantes de l’association, à l’état-major de garnison de Bordeaux, au 13ème RDP qui outre le piquet d’honneur a appelé les jeunes militaires en cours de formation à participer à cette cérémonie, à Mr le maire de Martignas et au personnel municipal, à la mairie de Bordeaux pour le prêt important de matériel, à la caisse des œuvres sociales d’EDF/GDF, à mesdames et messieurs les portes drapeaux, à la Croix Rouge, aux musiciens qui nous ont accueillis : Adrien Nemtanu, violon à l’ONBA et trois de ses élèves Lucy de Maury, petite-fille de Jacques Palacin, Alice Marie, Mathilde Paumier, et Lohan Magnan, aux amis de l’Ormée qui procéderont à l’appel aux morts, Jean-Pierre Jouglet, Clémence Delfaud, Denis Hernandez, aux bénévoles qui ont aidé à la préparation.
Merci aussi aux familles de fusillés, aux citoyens qui par leur fidèle présence entretiennent le souvenir.
Notre cérémonie, cette année est entachée de peines supplémentaires. Nous avons perdu Jean-René Mellier, fils de René Mellier fusillé le 21 septembre 1942. Jean-René qui a, durant des années, été un des piliers de notre bureau et de l’activité de l’Association. Les enfants de fusillés qu’il a aidés dans leurs démarches en vue d’obtenir les indemnités qui leur étaient dues s’en souviennent bien. Nous l’avons accompagné le 14 février. Claude Laroche, représentant, dans notre Conseil d’Administration, le comité du souvenir des époux Baudon nous a également quittés. Nous l’avons aussi accompagné le 15 avril.
Et cet été, le 22 juillet, nous étions nombreux pour les obsèques de notre président Jo Durou. Nous sommes très touchés par sa disparition. Nous voulons rappeler son inlassable volonté de témoigner pour l’avenir. Parmi les messages qu’il nous a livrés il en est un dont il faut se souvenir aujourd’hui, dans ces temps où l’individualisme est avancé comme une valeur épanouissante pour l’être humain. Il racontait les moments précédant la fusillade du 24 octobre 1941 écoutons-le :
« La veille donc de ces fusillades, un des bras droits de Poinsot de la brigade spéciale, chargée de cette lutte anti-terroriste comme ils disaient, vient nous interroger, les 20 de la baraque d’otages les uns après les autres, et ils nous tiennent à peu près ce langage : « vous savez que vous êtes dans la baraque d’otage, nous savons aussi, disent-ils, que de cette baraque d’otages partent des directives, que vous dirigez la lutte clandestine à l’extérieur, et, vous êtes en contact donc avec l’extérieur vous connaissez du monde, et vous savez, vous n’avez aucune illusion à vous faire, demain on va en fusiller 50 comme on a fait à Nantes et à Châteaubriant. Si vous voulez sauver votre tête c’est possible, vous nous donnez quelques noms des gens que vous connaissez, de l’extérieur et puis on vous donne l’assurance que vous ne serez pas fusillés ».
Comme vous le pensez, les 20, les uns après les autres mais unanimes, répondent la même chose, ils n’acceptent pas de se vendre.
Et, ce fut cette nuit terrible où l’on se disait : demain c’est la fusillade, demain c’est terminé, qu’allons-nous faire ? Et on a passé une partie de la nuit à se poser ces questions qu’allons-nous faire avant d’être fusillés comment on va s’y prendre pour porter un dernier coup à l’ennemi, comment on va réussir à faire que notre mort serve, ne soit pas inutile ? Voilà. Et nous avons vu le matin, appelés un par un les camarades qui allaient être fusillés. »
C’est donc ensemble qu’ils s’étaient préparés à faire face au peloton d’exécution.
De son côté, le jeune Audran, le même soir, au Fort du Hâ disait : « Alors, adieu mon vieux Gaby… c’est demain matin le grand jour. Je finirai ce soir toutes mes provisions avec les copains… ».
Ceux qui ont été tués ici n’envisageaient pas de gagner seuls. C’est dans le collectif et l’entraide au service de tous, non d’un chef, qu’ils ont trouvé les ressources pour se battre contre l’idéologie de division alors en œuvre avec la victoire militaire des nazis et la collaboration.
Les jeunes du groupe que l’on appelle groupe Auriac se sont regroupés pour transmettre des renseignements stratégiques à Londres.
Les bretons, arrêtés au passage de la ligne de démarcation, ont pris leur vélo pour tenter de rejoindre Londres. Les communistes ont constitué, dès leur internement à Mérignac, ce qu’ils nommaient l’Organisation spéciale dont Poinsot tentait, comme nous le racontait Jo, d’obtenir les noms des dirigeants pour éviter l’exécution.
Et qu’ont fait 7 jeunes du Nord : ils ont pris eux aussi leurs vélos et sont descendus vers le sud où ils ont été recrutés par les services secrets, les SSDN.
Ceux que nous appelons les postiers se sont organisés pour diffuser les tracts reçus en gare et collecter des armes.
De la même façon les fusillés du 21 septembre 1942, que l’on évoque les girondins ou les charentais avaient organisé leur résistance collectivement.
Puis, après la libération de la Corse, le débarquement des alliés en Afrique du Nord et la victoire de Stalingrad, les conditions de la guerre ont changé. Et l’espoir va renforcer la détermination de ceux qui ont pris la relève des résistants tombés dans la lutte. Le groupe de l’OCM Honneur et Patrie en Charente maritime, né en 1942, voit ses effectifs regrouper plus de 100 résistants.
Le groupe FTPF Bourgois, composé à la fois de girondins et de cadres venus d’autres régions atteint le chiffre de 60 engagés sur l’ensemble de la Gironde.
En avril 1944 les « 7 israélites » arrêtés en Dordogne étaient principalement des réfugiés du Nord ou de l’Est qui ont choisi d’aider la Résistance et les maquis. Les soviétiques fusillés en mai se sont regroupés aussi pour tenter de détruire le logement des militaires allemands qui les encadraient. Enfin la fusillade du 1° août 1944 voit la disparition de 12 hommes de la Dordogne : maquisards, combattants clandestins de l’armée secrète ou FTPF, ils avaient recherché dans le collectif la possibilité de se battre efficacement.
À Bordeaux où la situation de la Résistance est confuse après la trahison de Grandclément, Lucien Nouhaux constitue le corps- franc « Marc ». Déterminés et actifs, 8 de ses membres le paieront de leur vie. Les maquis comme Vignes Oudides dans le Médoc, de la ferme de Richemont ou les FTPF d’Ychoux sont aussi des exemples du refus du repli individuel. De même que l’engagement des dix du train fantôme, arrivant de la Haute Garonne et de l’Ariège où, policiers ou civils, ils œuvraient pour permettre l’évasion vers l’Espagne et la lutte contre le nazisme.
Alors, oui, comme Jo nous pensons que l’être humain est lié aux autres êtres humains. Il nous a raconté comment la solidarité dans les camps de travail ou d’extermination était susceptible de sauver l’autre, un autre soi. Et les fusillés que nous venons d’évoquer avaient dans leur très grand nombre fait le choix de refuser cette idéologie qui désigne un bouc émissaire et cherche à asservir un peuple pour soi-disant le bonheur d’un autre. Ce sont bien la solidarité et l’engagement collectif, dans la diversité des opinions qui ont permis d’éradiquer l’horreur, de rétablir la République et ses valeurs, de construire les jours heureux avec le Conseil National de la Résistance et de regagner l’indépendance de la France.
À nous tous de ne pas l’oublier alors que les héritiers de ces idées relèvent la tête et frappent à nouveau. À nous tous de faire barrage à la montée de tous les extrémismes et aux attentats racistes.
Dans le respect de nos aînés, nous nous devons de ne pas tolérer que renaisse la xénophobie, l’antisémitisme, l’idéologie de domination et d’asservissement.
À nous tous de témoigner, à notre tour. À nous tous d’agir.
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Jean LAVIE
Merci Mr Le Préfet, par votre présence, d’honorer les 256 fusillés de Souge,
Merci de leur présence, au représentant du général officier général de la zone de défense et de sécurité sud ouest, aux élus de la République, à l’ensemble des autorités civiles, militaires et religieuses, aux associations mémorielles, aux composantes de l’association,
Merci pour leur aide concrète, à l’Etat Major de la garnison de Bordeaux, au 13ème RDP, à Mr le Maire de Martignas et au personnel municipal, à la mairie de Bordeaux pour le prêt important de matériel, à mesdames et messieurs les portes drapeaux, à la Croix Rouge, aux musiciens qui nous ont accueillis, aux amis de l’Ormée qui procèderont à l’appel des morts, à la garde d’honneur, aux bénévoles qui nous ont aidés à la préparation de cette cérémonie,
Merci enfin aux familles de fusillés, aux citoyens qui par leur fidèle présence perpétuent le souvenir.
Nous nous interrogeons souvent sur l’efficacité de notre travail de Mémoire, auprès des jeunes notamment.
Dorénavant à la fin de chaque visite du Mémorial nous posons la question suivante aux scolaires : « Pourquoi d’après vous, continuons-nous à évoquer ces évènements ?»
Et chaque fois des mains se lèvent pour nous répondre : « Pour rendre hommage à ces résistants, et pour éviter que cela se reproduise ». Comme quoi, nous pouvons avoir confiance dans les nouvelles générations pour peu qu’elles aient accès à l’information.
Le cycle commémoratif du 70ème anniversaire des fusillades, ici à Souge, la refonte de tous les supports de communication de notre Association suite aux recherches effectuées et à la publication du livre « Les 256 de Souge », nous ont permis, au fil des années, d’évoquer la genèse et le déroulement de la guerre 39-45, l’histoire des fusillés et de leur engagement.
Et si nous tenons tant à affirmer notre volonté d’être l’Association de tous les fusillés c’est que la caractéristique première des 256 patriotes-résistants, victimes ici de la France de Vichy et de la barbarie nazie, de leur idéologie et de leurs actes, est leur extrême diversité.
Diversité, d’origines géographiques, sociales, de métiers, , d’appartenances aux divers groupes de résistance, d’âge, d’idées.
Communistes, socialistes, gaullistes, citoyens sans parti, maréchalistes déçus, chrétiens, juifs, francs-maçons, jeunes, moins jeunes, ajusteurs ou armateur, agriculteurs ou militaires, médecins, philosophe ou ouvriers ont lutté avec un objectif commun, celui de bouter hors de nos frontières l’envahisseur et de préserver nos libertés. Ils pouvaient être concurrents, adversaires, ne pas choisir le même mode de résistance, penser que l’autre avait tort. Imaginant un monde futur différent, ils ont su s’unir, face à l’ennemi, difficilement parfois, dans le Conseil National de la Résistance notamment. Ils ont su dégager les axes majeurs de reconstruction d’une société progressiste, le « modèle français », fait de conceptions républicaines, de garanties, de droits, de démocratie, qui restent modernes pour peu que nous sachions les conjuguer dans le Monde et l’Europe d’aujourd’hui.
Traditionnellement, lors de notre hommage annuel aux fusillés, dans cette enceinte, nous essayons d’approfondir un aspect particulier de leur histoire.
Après avoir examiné en détail l’action de chacun des groupes durant les 4 années de fusillades, nous avons évoqué les décisions qui avaient conduit ces combattants devant le poteau d’exécution pour noter que 125 d’entre eux avaient été fusillés comme otages, 77 avaient été condamnés par un tribunal allemand, et 54 passés par les armes sans autre décision que celle d’un officier nazi.
L’an dernier nous nous étions interrogés sur l’utilité, pour aujourd’hui, du travail de mémoire et des commémorations, et nous avions mis en avant quelques idées premières.
Face à la montée des extrêmes-droites en Europe et dans le monde, face aux fanatismes de tous ordres, aux volontés de domination, rappelons-nous le contexte économique des années 30, l’idéologie fasciste, en Espagne, au Portugal en Italie, le nazisme fait de racisme, du mythe du bouc émissaire, du rejet de l’autre, d’extermination, de déportation, de répression contre tous ceux qui ne pensent pas comme il faut, d’atteintes aux libertés.
Autant de raisons qui expliquent les millions de morts de la guerre, la répression contre les résistants, les fusillades…et la douleur d’un parent, d’un époux, d’un frère, d’un enfant.
Cette année nous avons choisi de ré-évoquer les 27 fusillés d’origine étrangère mais aujourd’hui sous l’angle du groupe de résistance auquel ils appartenaient.
– Israël Leizer Karp a d’abord fui sa Pologne natale pour vivre quelques années en Belgique, se faire renvoyer en Pologne, pour revenir aussitôt en Belgique avant de se fixer à Martignas. Il est le 1er fusillé, le 27 août 1940, trois jours après avoir protesté lors du passage d’un détachement de musique allemande à la gare Saint Jean.
– Quatre d’entre eux ont été fusillés comme otages.
Un le 24 octobre 1941. Louis Gustave Rochemont, né en Haïti, fils d’un marin, vit à Bègles, est un militant communiste, arrêté en décembre 1940 et interné au camp de Mérignac.
Trois le 21 septembre 1942. Vicente Gonzalez-Angulo, et Lucio Vallina sont des communistes actifs dans les FTP, bordelais pour Gonzalez, charentais pour Vallina (ancien de l’armée républicaine espagnole), et internés au Fort du Hâ. Jean Rodriguez fait le lien entre les organisations espagnoles et le PCF. Il est arrêté pour activité communiste alors qu’il distribue des tracts. Tous trois sont espagnols.
– Stanislas Ryps, polonais, vit à Nantes. Au nom du groupe de Résistance Hévin-Barreau-Bouvier il accompagne un pilote de la Royal Air Force vers les Pyrénées. Il est arrêté, condamné, et fusillé à Souge le 12 septembre 1942.
– Jacques Palacin, espagnol, membre d’Honneur et Patrie de Charente Maritime, reçoit des parachutages à Saint-Just et organise le transport des armes. Prévenu à temps lors des arrestations du groupe, il se cache, mais revient voir sa femme et ses enfants. Il est arrêté, torturé avant d’être condamné et fusillé le 11 janvier 1944.
– Guisto Carioni, Giuseppe Montanari et Werter Saïelli , italiens antifascistes obligés de s’expatrier, sont engagés dans de nombreux sabotages initiés par le groupe FTP Bourgois, groupe M.O.I section des italiens autour du Vigean. Ils organisent aussi un attentat contre un officier des renseignements italiens à Bordeaux. Ils sont fusillés avec 18 membres du groupe.
– Eugène Strauss (Allemand) et Martin Wittemberg (Hongrois), réfugiés en Dordogne, arrêtés avec tous les hommes du village de Saint Michel de Double, figurent sur la liste des israélites, fusillés le 19 avril 1944.
– « Les six soviétiques », fusillés le 9 mai 1944, Gregori Balonowski, Michaël Erefeew, Michaël Gembajev, Gregori Gorobzov, Vassili Iltschinko, et Gregori Stupakov, enrôlés de force dans l’armée allemande ont fomenté une rébellion dans leur cantonnement à Soulac, mais ont été dénoncés par un compatriote.
– C’est la fusillade du 1er août 1944 qui compte le plus d’étrangers :
– Les frères Garcia, Dionisio et Casimiro, d’origine espagnole, sont engagés dans le groupe-franc Marc. Chargés des transports d’armes et de sabotages de voies ferrées, ils sont trahis par un membre du réseau.
–Alphonse Fellmann, allemand d’origine, réfugié d’abord à Colmar, appartient au maquis de Vignes-Oudides en Médoc. Il monte la garde lors de l’attaque du maquis de Liard par les Allemands et la milice.
–René Moretto, italien, circule à vélo près de la Ferme de Richemont lors de l’attaque des Allemands et de la milice le 14 juillet 1944 et est arrêté. Il est homologué soldat FFI maquis de Saucats. Sa famille ne l’ayant pas reconnu parmi les dépouilles lors de l’exhumation des corps de la fosse commune et a sollicité les autorités françaises sur une présence éventuelle à Lublin en Pologne, sans résultat.
Leandro Virgil est espagnol né à Gijon, nous ne savons rien de son action.
Enfin quatre sont des fusillés du Train Fantôme, lequel a mis deux mois pour rejoindre les camps de concentration allemands après moult péripéties dont un enfermement dans la synagogue à Bordeaux durant 3 semaines. Ils font partie des 10 désignés (par qui pourquoi nous ne savons pas) pour être passés par les armes. Deux étaient espagnols. José Figueras-Alemada et Joseph Uchsera, combattants républicains, enfermés au Vernet après la guerre d’Espagne puis à Toulouse. Emilio Périn, lui, est italien et engagé dans l’Armée Secrète. Litman Nadler est roumain. Appelé docteur Madeleine car il est étudiant en médecine à Toulouse, il est inscrit sur la liste des victimes du Mouvement de Libération Nationale.
Comme pour les victimes de nationalité française, nous retrouvons la même grande diversité : géographique, d’âge, mais aussi d’engagement dans les diverses formes et mouvements de résistance, et la même volonté de se battre pour préserver les droits humains fondamentaux.
Ces engagements méritent reconnaissance. Or, dans l’immédiat après-guerre un étranger ne pouvait être reconnu « Mort pour la France » que s’il était mort « les armes à la main », ce qui a exclu à cette époque les fusillés étrangers de Souge.
Notre association a l’intention de demander cette reconnaissance et nous savons pouvoir compter sur l’aide de chacun d’entre vous pour obtenir cet ultime hommage.
Merci.
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Dominique MAZON
Merci de leur présence au représentant du préfet, au représentant du Général officier général de la zone Sud-ouest, aux élus de la République, à l’ensemble des autorités civiles, militaires et religieuses, aux associations mémorielles, aux composantes de l’association, à l’état-major de garnison de Bordeaux, au 13ième RDP, à Mr le maire de Martignas et au personnel municipal, à la mairie de Bordeaux pour le prêt important de matériel, à mesdames et messieurs les portes drapeaux, à la croix rouge, aux musiciens qui nous ont accueillis, aux amis de l’Ormée qui procéderont à l’appel aux morts et à la garde d’honneur des jeunesses communistes, aux bénévoles qui ont aidé à la préparation.
Merci aussi aux familles de fusillés, aux citoyens qui par leur fidèle présence entretiennent le souvenir.
La question nous est régulièrement posée de l’objectif et de l’intérêt de continuer à travers l’activité de notre Association et notamment les cérémonies organisées depuis 1944, à faire connaitre Souge et à rendre hommage aux fusillés. Aussi, cette année, avons-nous choisi de proposer quelques réponses.
Notre, votre présence à toutes et tous, chaque année, témoignent d’une volonté commune, celle de rendre hommage à ceux qui sont morts en combattant pour libérer notre pays de l’occupation. Volonté des familles éprouvées, des enfants meurtris par la mort du père et parfois des deux parents, mais aussi volonté des citoyens de ne pas laisser tomber dans l’oubli ces années et leur combat.
Ce combat victorieux fait de nous des femmes et des hommes libres. Notre gratitude est immense.
Gratitude car nombre d’entre eux ont exprimé le sens de leur lutte, souvent dans leur dernière lettre. En voici quelques exemples :
Ainsi Pierre Gemin, « Dites-vous que votre Pierrot est mort pour une grande et noble cause et que cela n’a pas été inutile. Il le savait en mourant. » ou Pierre Wiehn « Je vous demande pardon, chers papa et maman de la peine que je vous fais et vous embrasse bien fort tous les trois … Vive la France », ou Alain Domecq « Ne crois pas que je quitte la vie avec désespoir…. Je ne regrette rien de ce que j’ai fait. En mon âme et conscience je crois avoir agi selon mon devoir d’homme », ou enfin René Migeot « Et vous tous, chers camarades, continuez l’œuvre entreprise, nous vous passons le flambeau, il est je suis sûr en bonnes mains ».
Au-delà de leur très grande diversité de personnalité, d’engagement, de convictions, leur but commun était la libération de leur pays.
Ce qui les avait conduits là remontait aux périodes antérieures, quand la guerre, la pauvreté, le chômage de masse avaient ébranlé les sociétés dans lesquelles ils vivaient et jeté dans les bras des extrêmes droites des millions de personnes Des régimes fascistes s’étaient alors mis en place en Italie, en Espagne, au Portugal. Malheureusement, on retrouve de nos jours bien des composantes de ce piège.
La volonté de domination, aujourd’hui encore, au XXI° siècle perdure. Les moyens de domination étaient et sont toujours multiples.
Le racisme et le mythe du bouc émissaire avaient rendu des peuples entiers coupables de leur sort. Mais comment peut-on penser qu’un être humain, qu’un peuple ou qu’une communauté soit supérieure ou inférieure ? Les nazis ont condamné les juifs, les tziganes, souvent les noirs, les désignant comme responsables de tous les maux. Certains d’entre eux, fuyant leur pays s’étaient réfugiés dans un pays d’accueil. Et la France était alors un pays d’accueil, malgré les difficultés du moment.
Adossé à ces préjugés, se trouve le rejet de l’autre, de celui qui ne vit « pas comme il faut ». Bien des minorités en ont payé le prix, des tziganes aux homosexuels. Alors que la richesse des sociétés repose précisément sur la diversité et sur la tolérance. Quoi de plus dangereux que l’uniformisation de la pensée, de la manière de vivre ? Peut-on imaginer ce que nous serions si nous ne pouvions disposer de la diversité de pensées, parfois contradictoires, des générations précédentes comme de notre génération actuelle ?
Pour imposer leur idéologie, les nazis ont éliminé ou tenté d’éliminer ceux qui représentaient la culture, l’indépendance d’esprit, la démocratie, ou exprimaient simplement une idée politique différente de la leur. La traque des communistes en est un exemple. Les « autodafé » gigantesques de 1933 brûlant dans un même enthousiasme les livres de Bertolt Brecht, Erich Maria Remarque, Freud, Alfred Döblin, Erich Kästner, Heinrich Mann, Karl Marx ou Stefan Zweig et bien d’autres se voulaient être « une action contre l’esprit non allemand ». Cela appartient encore à l’actualité du monde. Nous en sommes protégés en France en partie parce que les hommes que nous honorons aujourd’hui, comme d’autres, sont morts pour éradiquer les risques que faisait peser l’idéologie nazie mais aussi parce que, collectivement nous avons de la mémoire et nous entretenons cette mémoire afin que quiconque voudrait nous asservir se retrouve en échec.
Une autre dimension de la domination mise en place par les nazis est la domination économique à travers la mise en coupe réglée des pays occupés et l’asservissement des peuples par le travail. La déportation de millions d’hommes, de femmes et d’enfants et leur extermination immédiate, ou repoussée au moment où ils n’avaient plus la force de travailler, fut érigée en système.
Comme dans les années noires et celles qui ont précédé, le défaut de vigilance est un danger. Les tenants du pouvoir économique et politique tentaient la plupart du temps de transiger allant jusqu’à collaborer plutôt que de stopper ce dangereux mouvement. Nous devons en permanence veiller à ce que ne se reproduise pas ce que l’on peut qualifier de politique de l’autruche.
C’est bien là que réside notre rôle : faire savoir ce qui a eu lieu pour empêcher la réactivation de ces idées.
C’est pour cela que chaque année nous sommes là, mais aussi que nous nous efforçons de diffuser largement notre exposition, dans tous les lieux publics qui nous invitent. Nous faisons d’ailleurs appel à chacun d’entre vous : l’exposition peut être présentée dans les mairies, les collectivités, comme elle va l’être dans le hall de la Métropole, les salles de quartier, les établissements scolaires, les médiathèques…
C’est aussi pour cela que nous accueillons sur ce site, tout au long de l’année les groupes qui nous le demandent et singulièrement les jeunes. Nous participons au rallye citoyen organisé par l’armée et l’Éducation Nationale mais aussi au projet « chant d’action » mis en œuvre chaque année par l’équipe de la Délégation académique à l’éducation artistique et culturelle du rectorat que nous remercions particulièrement. En janvier et février une dizaine de classes et deux cent cinquante à trois cent élèves consacrent une journée au thème de la guerre 39/45 en visitant successivement Souge, la base sous-marine, l’ancien consulat du Portugal afin de faire connaitre l’histoire de Sousa-Mendes, pour finir au musée Jean Moulin. Puis, avec leurs professeurs ils composent un « chant d’action ».
Les hommes que nous honorons méritent bien le souvenir et les hommages que nous leur rendons.
Pensons qu’il en fallait du courage aux ouvriers de l’AIA et de la SNCASO pour saboter les pièces d’avions, répondant à un tract de la Résistance qui disait « chaque pièce sabotée, chaque minute de travail perdue sauvera une vie humaine ».
Il en fallait du courage pour prendre la parole comme l’a fait Gabriel Geneste alors que les allemands avaient un bureau dans l’usine.
Des familles entières s’engageaient, les uns dans la lutte armée, les autres dans la cache de Résistants comme les Castéra ou dans l’entreposage des armes comme les Guillon. D’autres comme les Lisiack dont le jeune fils transportait des messages dans le guidon de son vélo.
Souvent durement torturés, ils tentaient de tenir quelques heures, quelques jours, selon les consignes qu’ils avaient reçues pour permettre à leur groupe de se réorganiser.
Il en fallait du courage et de l’abnégation à Pierre et Yvonne Baudon pour attendre l’arrivée du camion qui devait transporter les armes stockées chez eux, alors qu’ils savaient l’arrivée des occupants imminente.
Il en fallait du courage et de l’abnégation à Serge Dejean pour conseiller à son père de rester auprès de sa femme et de son jeune fils, tandis que lui, le frère ainé rejoindrait la Résistance.
Il en fallait de la conviction à Pierre Borios, inspecteur de police dans l’Ariège pour profiter de ses déplacements pour transporter des armes.
Il en fallait aussi aux jeunes des maquis de Dordogne, les frères Aspis et Haym, ceux du
maquis de Vigne-Oudides : Desblaches, Lafon ou Porthier, ceux des FTP des Landes Duhourquet ou Dubos.
Et n’en fallait-il pas aux étrangers engagés aux côtés des français, notamment les républicains espagnols qui avaient fui la répression franquiste?
Ces quelques noms sont des illustrations au milieu des 256. Nous en citerons bien d’autres au fil des années.
Car on touche ici à une autre caractéristique de cette guerre à transmettre : l’existence d’une Résistance extérieure et intérieure, l’implication de la population dans toute sa diversité. Des communistes, des gaullistes, des socialistes des sans partis, des hommes de droite, parfois anciens maréchalistes, malgré leurs divisions, se sont retrouvés dans un combat commun.
La Libération du pays, c’est aussi en partie l’œuvre de son peuple. La création du CNR, l’élaboration de son programme c’est la représentation de la force qui les poussait. André Levy, autre exemple, envoyé par Frenay, est venu d’Alger pour assurer la liaison avec le CNR et les mouvements composants.
Alors, oui, nous souvenant de leur vie, du monde dans lequel ils vivaient, du danger des idéologies racistes et de domination, de l’engagement de ces hommes pour que leurs enfants vivent libres, nous pensons que nous devons continuer à faire connaitre l’Histoire, à entretenir ce lieu et honorer ceux qui y sont morts
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Jean Lavie.
L’objectif de notre cérémonie annuelle, ici, devant ces bûchers, est de rendre hommage aux 256 victimes des nazis fusillées dans ce camp de Souge entre le 27 août 1940 et le 1er août 1944. Victimes identifiées et honorées, dans toutes leurs diversités, de nationalités, d’âges, d’origines géographiques, professionnelles, idéologiques, d’engagements et d’actions dans la Résistance face à l’envahisseur et au gouvernement de Vichy.
2016 est le 75ème anniversaire de la 1ère fusillade massive, le 24 octobre 1941 où tout près d’ici, dans ce que nous appelons la 1ère enceinte, 50 corps de fusillés ont été enfouis dans une fosse commune, pendant 3 trois ans, avant que les familles ne soient invitées à venir reconnaître les leurs à l’automne 1944. Un hommage sera rendu tout à l’heure sur ce premier site de fusillades et chacun est invité à y participer.
Si au fil des cérémonies annuelles du cycle du 70ème anniversaire nous avons évoqué chaque fusillade, l’identité, les engagements divers et multiples, les actions de ces patriotes résistants, nous vous proposons cette année, d’évoquer la nature des décisions allemandes qui ont conduit les victimes au poteau. Notre tâche, en effet, nous paraît être, outre de rendre hommage aux fusillés, de faire mieux connaître cette période et de faire mesurer ce qu’une société est à même de produire si elle s’écarte de l’humanité et des valeurs qui s’y rapportent.
A notre connaissance car les recherches continuent, on peut distinguer trois types de décisions : la désignation d’otages, les condamnations du tribunal allemand, les fusillés sans jugement sur décision d’une autorité pas toujours identifiée.
S’agissant des otages replongeons-nous dans le contexte.
Nous sommes au début de l’été 1941, les premières hésitations et les premières difficultés d’organisation de la Résistance sont dépassées, les mouvements de Résistance, d’essence, patriotique, gaulliste, socialiste, catholique, anglaise, font plutôt de la propagande et du renseignement, les communistes en appellent plutôt à la propagande et au harcèlement contre les installations et les soldats allemands, les juifs déjà recensés pourchassés, déportés, étant présents dans tous ces mouvements.
Après plusieurs escarmouches début août, l’aspirant de la Kriegsmarine Moser est abattu le 21 août dans le métro parisien, par celui qui deviendra le colonel Fabien de l’Organisation Spéciale. Hitler demande des représailles mais estimant que ses représentants parisiens ne vont pas assez loin, édicte, sous la signature du Maréchal Keitel, la politique et le « code » des otages. Pour un soldat allemand tué, 50 à 100 otages seront fusillés. De son côté, Vichy, par un décret publié au Journal officiel le 23 août 1941, crée les Sections Spéciales. Ce sont des tribunaux bafouant tous les droits des accusés, et ayant pour objectif unique de réprimer « les activités communistes et anarchistes » comme le précise l’article 1 du dit décret.
125 otages ont été fusillés à Souge soit quasiment 50% du total des victimes, à trois moments différents.
50 le seront le 24 octobre 1941, en représailles de l’assassinat de l’officier allemand Reimers à Bordeaux, les 5 du groupe dit « des postiers » le seront le 30 avril 1942 en représailles d’un attentat contre un train de permissionnaires allemands à Caen, 70 le seront le 21 septembre 1942, en représailles de l’attentat contre le cinéma le Rex à Paris, Paris ne disposant pas, à ce moment là, à Romainville, d’un nombre suffisant d’internés.
La confection des listes répond aux consignes du « code » des otages : les premiers responsables du parti communiste d’abord mais aussi les distributeurs de tracts quels qu’ils soient. Ce sont les allemands qui fixent la liste des sacrifiés, détenus soit à Mérignac Beaudésert, soit au Fort du Hâ, mais sur proposition de la police de Vichy. Ce qui fera dire au commissaire Poinsot : « Si c’était moi qui avait arrêté la liste certains n’y auraient pas été, mais d’autres oui ». Ainsi, détenus à l’origine pour délit d’opinion, parfois supposé, internés sans charges réelles, sans être condamnés, ils ont été fusillés. Remarquons également le choix des allemands d’intégrer dans la liste autour d’une majorité de communistes, des gaullistes et au moins un jeune connu pour son appartenance à la jeunesse socialiste et ce afin d’atteindre toutes les Résistances. Le compte-rendu d’exécution du 21 septembre 1942, publié en français sur notre site, montre bien que ces hommes savaient ce qui les attendait quand on leur a donné du papier et un crayon pour écrire une dernière lettre à leur famille.
Mais la politique des otages mise en œuvre pour faire peur à la population ne produit pas l’effet escompté et elle sera abandonnée fin 1942. Cela ne va pas pour autant signifier un arrêt des massacres, mais, dorénavant, et en 1944 en particulier, ils seront moins « médiatisés, comme l’on dit aujourd’hui.
S’agissant des condamnés par le tribunal allemand à Bordeaux K 529 mais aussi par celui de La Rochelle déplacé à Bordeaux début 1944, nous en dénombrons 77.
Les allemands ayant emporté ou brulé nombre de leurs archives nous disposons de peu d’informations sur celles-ci, tout au plus connaît-on le motif de la condamnation car celui-ci était communiqué aux autorités françaises.
Pour un tiers d’entre eux ce sont des condamnations individuelles pour possession d’armes, et/ou activités anti-allemandes (Israël Karp notamment) ou plus précisément de résistance qualifiée quelquefois de « franc-tireur ».
Pour les groupes les informations sont plus précises. Les six des Services Spéciaux de la Défense Nationale et les quatre du réseau Jove liés à l’Intelligence Service sont condamnés pour espionnage, les six soviétiques le sont pour rébellion.
Pour le groupe de Charente Maritime Honneur et Patrie, lié à l’OCM et à Libération Nord, 20 fusillés le 11 janvier 1944 et 1 le 1er février. Le témoignage de l’avocat des victimes permet de rappeler les tortures auxquelles elles ont été soumises et la parodie de procès, sans droits pour les prévenus, pieds et mains liés durant celui-ci.
Pour les 17 fusillés du groupe FTP Bourgois, c’est un écho de presse publié le 20 février 1944 qui nous indique les motifs de condamnation. Ils ont :
« assassiné une sentinelle allemande, mis le feu à des logements de soldats, commis des attentats contre les chemins de fer de la région ».
Enfin s’agissant des 54 fusillés conduits au poteau sans jugement ou autre décision que celle d’un officier allemand, on compte, les 7 israélites ramenés de Dordogne et les 47 victimes de la fusillade du 1er août 1944. Cette fusillade dont on ne sait pas encore qui en a été l’instigateur et qui avait dû être reportée du 31 juillet au 1 er août, le peloton d’exécution du 31 juillet ayant refusé d’obtempérer au prétexte de ne pas connaître l’autorité ordonnatrice.
En conclusion, en cette période où l’idéologie du rejet de tout ce qui est différent nourrit de sombres desseins et cache souvent une absence de volonté de s’attaquer aux vrais conditions économiques et sociales de construction « du vivre ensemble », sachez que notre association, dans toute sa diversité, convaincue que le travail de mémoire éclaire l’avenir, inlassablement poursuit son action. Elle le fait ces jours-ci en présentant sa nouvelle exposition que vous avez pu remarquer à l’entrée du Mémorial. Cette exposition, sous une forme modernisée, répond à notre volonté d’honorer tous les fusillés. Mais au delà de notre travail de recherche, celle-ci, ainsi que la rénovation de notre site n’ont pu être montés et réalisés que grâce à l’engagement financier d’élus et de collectivités. Qu’il nous soit permis très solennellement de remercier ici, particulièrement, Mme Récalde, Mr Anziani et le conseil municipal de Mérignac, le Conseil Régional d’Aquitaine, et aussi, le Conseil Départemental de la Gironde, ainsi que les municipalités de Bordeaux, Bègles, Lormont, Eysines, Le Haillan, Saint Médard en Jalles, Villenave d’Ornon, et Floirac.
Nous tenons cette exposition à disposition et comptons sur vous tous pour nous aider à la présenter dans un maximum de lieux, et ainsi faire encore mieux connaître l’histoire des fusillés de Souge et faire réfléchir chacun aux exigences de la construction d’un avenir, où tous, dans leurs différences, pourraient vivre en paix.
Merci de votre attention.
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Pierre Bordas
Il est des moments ou l’actualité interpelle fortement le travail de mémoire. Cette année 2015 est un de ces moments. Rappelons nous début janvier, les attaques contre le journal Charlie Hebdo à Paris, contre le magasin Hyper Casher Porte de Vincennes, et de la fusillade volontaire de journalistes, de policiers, de juifs, ainsi que d’autres personnes dont un arabe qui travaillaient dans les lieux attaqués.
Nous savons combien sont déjà morts, pour défendre des idées, des êtres humains avec leurs différences, pour nous engager résolument pour la tolérance, pour les valeurs républicaines, pour le mieux être de tous, contre la xénophobie, le racisme, l’antisémitisme, contre tout intégrisme.
C’est ce contexte, caractérisé également par la montée des extrêmes droites en Europe notamment, qui nous conduit à évoquer encore une fois toutes les victimes fusillées dans cette enceinte, avec cette année un regard particulier sur ceux d’entre eux qui étaient étrangers.
Le 1ier des fusillés est Israël Karp. Le 24 août 1940, au passage de la garde d’honneur allemande allant hisser le drapeau, il « se précipite en brandissant un bâton contre le tambour major et les musiciens militaires » selon le stadtkommandant. Des témoins, eux, n’ont vu qu’un homme brandissant le poing. Qui était-il ? Il semble qu’il soit né en Pologne. Il aurait participé à la guerre 14-18 dans les rangs français. Pouvait-il être l’un des marchands ambulants qui, avant la guerre, s’installaient à l’entrée du camp militaire de Souge ? Etait-il ce colporteur vivant en Belgique depuis 1922 et qui aurait fui devant l’avance allemande ?
Français ? Étranger ? Peu importe. Nous ne sommes pas certains de tout mais sur la base de l’acte de naissance ou de fiche de police, 27 des 256 fusillés étaient considérés comme étrangers soit 11% à peu prés : 9 espagnols, 6 soviétiques, 4 italiens, 2 polonais, 2 allemands, 1 roumain, 1 hongrois, 1 haïtien et 1 d’origine inconnue.
S’agissant des espagnols, (José Figueras, les frères Robert et Denis Garcia, Vincent Gonzales, Jacques Palacin, Jean Rodriguez, Joseph Uschera, Lucien Vallina, Léandro Vigil), beaucoup sont venus après la guerre civile où ils avaient déjà combattus le fascisme de Franco. C’étaient des combattants de la liberté confirmés, ils ont continué ici, naturellement. D’autres étaient là depuis plus longtemps, ayant fuit la misère des guerres économiques. Certains sont retournés en Espagne combattre pour la république et revenus en France pour poursuivre le combat, comme Lucien Vallina.
Sur les 6 soviétiques, il reste beaucoup d’interrogations sur leurs noms, leurs lieux de naissance. Incorporés dans l’armée allemande, ils sont envoyés la renforcer à Soulac. Après guerre, le rapport établi par le chef de bataillon Cadalen révèle que c’étaient des agents travaillant contre l’Allemagne, décidés à éliminer les sous officiers de son armée. Dénoncés, ils ont été condamnés à mort, 4 furent fusillés à Soulac et 6 autres ici, le 9 mai 1944.
Comme les espagnols, les italiens soit étaient là depuis longtemps ayant fuit la misère soit après avoir combattu le fascisme mussolinien. Ils ont poursuivi leur combat avec le peuple français, au sein des Francs Tireurs Partisans Main d’œuvre Immigrée pour trois d’entre eux, Guisto Carione, Guiseppe Montanari et Werter Saïelli, au sein de l’Armée secrète pour Emilio Perrin.
Le deuxième fusillé polonais (Stalisnas Ryps) a été arrêté en essayant de faire passer en Espagne un aviateur anglais tombé dans les Côtes du Nord.
Le 13 octobre 1944, place du Capitole à Toulouse, les autorités et une foule considérable ont rendu hommage au résistant du Mouvement National de Libération, Nadler Litman, né en Roumanie, étudiant en médecine, et appelé Dr Madeleine.
Réfugié de Strasbourg, un hongrois (Martin Wittemberg) sera fusillé après avoir été arrêté dans un village martyr de Dordogne, St Michel de Double, comme Eugène Strauss, alsacien né en Allemangne. Ils font partie, avec Fortinsky Jean Michel dont nous ne connaissons pas le lieu de naissance, des 7 israélites sacrifiés et identifiés comme tels sur les listes de fusillades.
Il était né à Haïti Loulou, (Louis Rochemont), dont la femme tenait un commerce à Bègles. Syndicaliste à la CGTU, il vend l’Humanité le directeur de la CENPA le confirme à la police de Vichy, « A aucun prix, je ne le reprendrai dans mon usine », « il professait des opinions communistes ».Il est fusillé comme otage le 24 octobre 1941.
Enfin Alphonse Fellmann, né à Fribourg et réfugié dans le médoc, appartenant au maquis de Vignes Oudides sera fusillé à 21 ans le 1 août 44.
Ainsi, gaullistes, socialistes, juifs, communistes, chrétiens, sans engagement particulier, ces combattants antifascistes, étrangers, ont contribué à redonner sa liberté à notre pays.
La liberté et plus, car grâce à leur sacrifice, la société française sera aussi plus humaine et pourra, par exemple, mettre en œuvre, le programme du Comité National de la Résistance, la Sécurité Sociale, dont nous fêtons cette année le 70ième anniversaire. Pouvoir se soigner suivant ses besoins, payer suivant ses moyens, cet acquis de la libération, c’est aussi un résultat de leur engagement.
Les fusillés de Souge furent donc à l’image de ce que fut la résistance dans toute sa diversité, à l’image de la France. Des femmes et des hommes, refusant la haine et la barbarie, relevant la tête pour construire un autre avenir à notre pays.
Depuis l’automne 1944, année après année, des hommes et des femmes viennent rendre hommage aux fusillés. Cet hommage n’est pas seulement celui à des morts même si c’est important. C’est un hommage à leur combat, à une idée du genre humain, à une certaine idée de la France.
La France a été une terre d’asile pour des générations d’immigrés poussés par la misère, les guerres. Notre pays est riche des migrations successives qui font notre peuple tel qu’il est aujourd’hui.
Pour terminer, après beaucoup d’hésitations, je vais vous faire part de souvenirs, personnels. Pour une association mémorielle, quoi de plus normal après tout.
Après l’arrestation de mon grand père, ma grand-mère et ma mère allaient chaque semaine au fort du Hâ où il était incarcéré. Elles lui amenaient des vêtements propres.
Elles essayaient de le voir, d’avoir des nouvelles. En fait, de nouvelles, elles recevaient en échange du linge propre, le linge de la semaine écoulée.
Mon grand père était, tous les 2 ou 3 jours, extrait de sa cellule pour être interrogé par le commissaire Poinsot et ses sbires. Etre torturé pour parler clair. Et le linge de la semaine était déchiré, maculé de sang et de pus. Ceci jusqu’à ce qu’il soit transféré à Mérignac, puis venir ici, et y être fusillé.
Une semaine, dans les plis du linge, ma grand-mère a trouvé un message griffonné « Sauve-toi. Ils veulent te déporter. ».
En effet, vous avez vu la stèle, en passant, les allemands déportaient les femmes de fusillés, beaucoup y sont mortes. Les enfants étaient dispersés.
Aussi ayant lu ce message, ma grand-mère, 30 ans, a pris ses enfants par la main et a gagné la zone libre vers Bazas. A pied, sans le sou. Ils étaient affamés, dormaient dehors. L’armée allemande les a repoussés une fois. Ils ont fini par passer. Ma mère, 10 ans, à l’époque, avait de la fièvre. Le pharmacien a refusé de donner les médicaments, même en échange de la bague de ma grand-mère.
Lorsque je vois des enfants, des femmes, des hommes à nos frontières. Je me dis que c’est nous, hier.
Il n’y avait pas de mer à traverser.
Les fusillés sont morts pour la liberté certes mais aussi pour un monde plus humain, plus fraternel, un monde de paix.
Soyons dignes d’eux. Merci
Discours du bureau de l’Association du Souvenir des Fusillés de Souge par Dominique MAZON
Le cycle des commémorations du 70ème anniversaire des fusillades 1940-1944 s’achève.
Comme prévu, la publication du livre « Les 256 de Souge », dans la lignée des Hommages aux victimes de 41 et 42, écrits par Georges Durou et Henri Chassaing en 1990, donne des biographies, complétées ou nouvelles, pour la très grande majorité des fusillés.
Ce long travail de recherche et de rédaction, réalisé collectivement par des animateurs du comité, donne à notre association une ambition nouvelle pour le travail de mémoire.
En effet la vision plus complète de leur histoire nous permet d’être l’Association du Souvenir de tous les fusillés, tant leurs parcours sont singuliers, et nous situent dans les différentes périodes de la guerre.
L’histoire d’Israël Karp ou de Lucien Mourgues indique bien que dès leur arrivée les allemands voulaient signifier à la population qu’ils ne tolèreraient aucune contestation de leur autorité.
La répression des communistes, (qui représenteront un peu plus de 50% des fusillés), par Vichy d’abord, avec la reconstitution des fichiers, les perquisitions, les arrestations, les internements à Bacalan puis à Mérignac sont également une première phase.
La politique des otages et les fusillades de 41 et 42 sont une suite meurtrière.
La directive allemande d’adjoindre aux communistes inscrits sur la liste en préparation avant le 24 octobre 41 quelques gaullistes des réseaux « Alliances pour la jeunesse » a également du sens, comme en 42 de cibler la recherche de résistants et patriotes dans les entreprises de l’aéronautique en pourchassant les communistes faisant du recrutement, de la propagande, collectant des armes, appelant au sabotage, et des gaullistes et socialistes collectant plans et renseignements divers à l’AIA ou à la SNCASO pour les envoyer à Londres.
Toujours en 42 les fusillades des père et fils Jacob du réseau Jove en liaison radio avec l’Intelligence Service, ou celle du réseau Kléber, Vénus, Chabor, réseau des Services Secrets de la Défense Nationale où sont engagés plusieurs amis chrétiens montrent bien le développement de la Résistance organisée. Mais le 21 septembre et les 70 victimes signifient que Dhose, Poinsot et leurs sbires ne restent pas non plus inactifs.
L’an dernier, nous avons évoqué l’année 43, la résistance décapitée puis reconstituée, et les évènements marquants comme la fin de la politique des otages, le STO, l’accélération de la déportation des juifs et des résistants, et l’espoir nourri de la victoire de Stalingrad, de l’intervention des Etats Unis en Afrique du Nord ainsi que la libération de la Corse ou la réunification de la CGT ou encore la mise en place du CNR.
Parce que leurs arrestations dataient de l’automne 43 nous avions aussi abordé les actions et particularités du groupe charentais Honneur et Patrie dont les membres appartenaient à l’OCM et à Libération Nord, et celles du groupe FTP Bourgois ainsi que leur passage par les armes, les 11 janvier et 26 janvier 44.
102 résistants sont fusillés durant les 8 premiers mois de l’année 1944.
La diversité est sans aucun doute la caractéristique à retenir : diversité, des mouvements concernés, des territoires d’intervention de la police et/ou des allemands, des origines géographiques des résistants et plus particulièrement des responsables qui « ne tenaient pas plus de trois mois », diversité enfin de nationalités des combattants. C’est l’année aussi où subsiste le plus d’inconnues, sur l’identité des victimes, sur les dates d’exécution, sur les autorités les ayant ordonnées, sur les motifs des décisions allemandes.
Après les fusillades de janvier déjà évoquées, et celles de plusieurs isolés, le 19 avril, 7 israélites (ils sont ainsi désignés sur les listes) réfugiés en Dordogne feront les frais d’un acharnement explicable seulement par le fait qu’ils sont juifs.
Le 9 mai ce sont six soviétiques incorporés dans l’armée allemande qui sont exécutés pour avoir fomenté une attaque contre des sous-officiers allemands. 7 autres de leurs camarades seront fusillés à Soulac, lieu de leur cantonnement.
Enfin la dernière fusillade est celle du 1er août.
Sur les 47 fusillés honorés, 14 venaient de la prison de Bergerac. Les allemands sont acculés et particulièrement sauvages dans leurs réactions, à Prigonrieux et dans la forêt de la Double notamment, où les maquis et certains villages sont « nettoyés », avec là aussi l’aide de Poinsot, qui se promenait dans la zone une liste de résistants recherchés à la main.
Le Corps Franc de Libération Marc, Lucien Nouhaux est reconnu comme très actif en Gironde au printemps 44 mais infiltrations et imprudences auront raison de son organisation et du courage de ses membres. La commune d’Eysines et l’association autour de la famille Baudon dont la maison cachait les armes honorent régulièrement les six fusillés du groupe.
D’autres maquis de la région vont subir la loi de rapports des forces disproportionnés. 3 000 soldats allemands (Wehrmacht et SS), aidés de miliciens attaquent le maquis de Vignes Oudides dans le Médoc le 25 juillet 44. Une hécatombe, dont 6 fusillés ici. Deux d’entre eux avaient rejoint le maquis la veille de l’attaque. Deux jeunes, rejoignant le maquis de la Ferme de Richemont à Saucats pour l’un d’entre eux, circulant dans la contrée pour l’autre, subiront le même sort que leurs 12 camarades sacrifiés sur le site. Serge Duhourquet sera, lui, pris dans un maquis landais.
Enfin autre particularité notable, l’histoire des « Dix du train fantôme ».
Parti de Toulouse le 3 juillet 44, ce train, chargé d’environ 650 résistants français et étrangers, arrivera à Dachau le 29 août, Dachau où il déposera 473 hommes avant de continuer vers Ravensbrück où 63 femmes arriveront le 1er septembre, et ce, après avoir été bombardé, détourné, stoppé, perdu, caché, retrouvé. Lors de son périple, le Train fantôme, sera vidé à Bordeaux, le 9 juillet. Ses déportés seront entassés à la synagogue pour les hommes et à la caserne Boudet pour les femmes. Pour des raisons encore mal connues, 10 d’entre eux (pourquoi ces dix, nul ne le sait encore), complèteront la liste des fusillés le 1er août. Parmi ces dix on retrouvera des républicains espagnols venant peut-être du camp d’internement du Vernet, Robert Borios, inspecteur de Police à Foix et engagé dans le Corps Franc Pommiès, Albert Lautman philosophe, devenu militaire hors pair, chef d’un réseau de l’Armée Secrète, Litman Nadler, étudiant roumain émigré à Toulouse, appelé Docteur Madeleine, appartenant au Mouvement de Libération Nationale, Noël Peyrevidal, militant SFIO, au croisement de divers mouvements de résistance en Ariège, assurant de nombreux passages en Espagne. Le 14 juillet 1944, à la synagogue, il prononcera, à l’insu de ses geôliers, un discours pour affirmer sa foi en la victoire finale et remonter le moral de ses camarades. Le plus jeune de ce groupe, Meyer Rosner, 18 ans, est un jeune étudiant juif parisien, réfugié dans le Gers avec ses parents, engagé comme agent de liaison à bicyclette dans les FTP.
Le même jour, André Levy, résistant sous les ordres de Pierre de Bénouville puis Henri Frenay, sera fusillé sous le nom de Bernard Bonduel.
Mais tout cela nous n’aurions pas pu le dire et l’écrire sans la présence forte des familles de fusillés qui nous permet de conserver l’approche humaine indispensable à tout travail de mémoire. Parler d’un père, d’un grand père, d’un frère, d’un oncle, d’un membre de son parti, d’un adhérent de son syndicat, d’un salarié de son entreprise, d’un voisin, d’un membre de sa communauté, donne à l’appropriation de l’histoire, cette approche humaine complémentaire à l’apport scolaire, car la guerre, ce n’est pas seulement, la télévision, les tanks ou les leaders, ce sont aussi les émotions, les larmes que l’on voit monter quelquefois, lors des visites du Mémorial par les proches des victimes ou par les lycéens et collégiens.
Forte des éléments dorénavant à notre disposition sur la vie et la mort des fusillés, notre association, pour atteindre l’ambition d’être l’Association de tous les fusillés, a besoin de vous tous. Besoin des institutions pour aider à notre rayonnement et au financement de nos projets, besoin des familles, des militants, pour continuer les recherches, construire les nouveaux supports portant nos objectifs, besoin des enseignants pour favoriser nos contacts avec la jeunesse et trouver la pédagogie adaptée au 21ème siècle.
Ainsi nous apporterons collectivement quelques éléments de réflexions utiles à notre société qui en a bien besoin.
Comme l’a dit notre Président Georges Durou dans sa conclusion du livre que je vous invite à lire et à diffuser : « Le monde toujours en construction doit garantir, organiser, le respect de tous les êtres humains, de leurs idées, de leurs engagements, de leurs cultures. Le « Vivre Ensemble » sera la résultante de ce choix et des pratiques concrètes qui le mettent en œuvre.
Merci.
« Nous rendons, en cette troisième année de commémoration du 70ème anniversaire des fusillades, hommages aux fusillés, et aussi aux femmes, compagnes, mères, de fusillés, elles mêmes déportées et mortes en déportation, comme vous avez pu le remarquer sur le cheminement du Mémorial. Le plus grand nombre d’entre elles sont en effet décédées en 1943.
Si au niveau français 1943 est une année charnière dans le conflit, si ce sont les arrestations de mi et de fin 43 qui alimenteront les bûchers début 44, 1943 est la seule année ou il n’y pas eu de fusillade massive. Deux fusillés sont cependant à déplorer.
Gustave Deflandre, natif de Lille, agent commercial, prisonnier des allemands, transféré à St Médard en Jalles, évadé puis repris, est accusé d’espionnage et condamné par le tribunal militaire allemand de Bordeaux le 4 juillet 1942. Il sera fusillé seul, le 4 janvier 43, 6 mois, jour pour jour, après sa condamnation.
René Hontangs, bordelais d’origine, gardien de nuit, est fusillé le 13 octobre, seul également. Il avait été condamné pour avoir agressé un soldat allemand, et aurait appartenu au SSDN (Service Secret de la Défense Nationale.)
Quel est le contexte girondin début 43
Les fusillades du 24 octobre 41 et du 21 septembre 42, mais aussi les autres arrestations, internements, déportations et emprisonnements ont tout particulièrement porté un rude coup à tous les mouvements de résistance.
L’arrestation d’Henri Souque pour « activité communiste illégale » le 27 janvier 1943 décapite les FTP dans la région. Les polices vichyste et allemande le signalaient en fuite et le poursuivaient depuis le 25 août 42. Lors de sa capture, il est porteur de deux cartes d’identité, ainsi que de deux rouleaux et un tube pour duplicateur. Il est déporté.
Envoyés par les responsables nationaux des FTP, de nouveaux « inter-régionaux » rejoignent notre région et notre département avec des fonctions, politiques pour les uns, militaires pour d’autres, et techniques (logistiques) pour d’autres enfin.
Le contact avec les quelques militants locaux rescapés est établi, ce sont principalement des cheminots et des ouvriers des chantiers de la Gironde. L’action sous toutes ses formes reprend.
Le groupe Bourgois (du nom de son chef) formé de quelques unités en avril comptera jusqu’à 70 membres en septembre 43, et sera présent dans la forêt de la Double, aux chantiers de la Gironde, à Parempuyre, chez Poliet et Chausson, à Lormont, à Bourg sur Gironde, à l’usine Walter au Vigean.
Les activités du groupe vont de la diffusion de la Vie Ouvrière clandestine, à l’édition du journal des FTP, à l’apposition d’étiquettes auto collantes sur les murs de la rue de Bègles à Bordeaux, ou à la vente de bons de souscriptions le 14 juillet 43 pour alimenter les caisses de solidarité. Mais c’est l’action de sabotage qui prédomine et notamment des déraillements de train, des récupérations d’armes auprès de sentinelles allemandes, des câbles électriques et/ou téléphoniques sectionnés. Mais suite à des dénonciations le groupe est démantelé à l’automne 43. 17 seront fusillés, ici, le 26 janvier 44 ,13 mourront en déportation, 20 survivront.
Agissant plutôt en Charente maritime, le mouvement Honneur et Patrie dont beaucoup de membres sont à l’OCM (organisation civile et militaire) et d’autres à Libération Nord, atteint un développement maximum en 1943. 110 hommes répartis en sections spécialisées (renseignements, liaisons, instruction, ravitaillement) couvrent ce département.
La collecte de renseignements militaires (sous la responsabilité du commandant Lisiack, chef du réseau Centurie) constitue très vite la principale préoccupation du mouvement, mais en même temps, se pose le problème de leur transmission à Londres. Dans un premier temps les courriers sont transportés par des bateaux de pêche de la côte bretonne, plus tard par Lysander (avion assurant entre la France et l’Angleterre le transport des hommes, des radios, des armes). La diversité des professions des membres du mouvement est notable: pilote d’avion, armateur, agriculteur, charcutier, commis boulanger, étudiant, instituteur, professeur, chef d’entreprise, fonctionnaire, gendarme, receveur des postes, pépiniériste etc… A partir du 22 octobre 43 une série d’arrestations, 83, stoppe l’action du groupe. Les interrogatoires sont, là aussi « musclés ». Il y aura 21 condamnations à mort et 38 condamnations aux travaux forcés et /ou à la déportation.
S’agissant de la politique des otages,
les dirigeants SS arrivent à la même conclusion que les militaires de la Wehrmacht un an plus tôt : la politique des otages n’est pas à même d’endiguer la Résistance. Il s’agissait de faire peur, c’est le contraire qui se produit. Cette politique est vouée à l’échec…et abandonnée. Sans porter le même nom, la pratique des exécutions sommaires reprendra néanmoins quand les allemands se sentiront acculés mi 1944.
Par ailleurs pour faire tourner les usines de guerre et l’économie allemande, les prisonniers ne suffisent plus, les allemands ont un gros besoin de main d’œuvre.
Avec ce qui s’est appelé « La Relève », et qui consistait à faire revenir quelques prisonniers contre l’envoi massif d’ouvriers qualifiés, Vichy et l’occupant tentent déjà en 1942 de répondre à cet objectif. Mais là aussi c’est l’échec. Et toujours en accord avec Berlin, le Maréchal Pétain, alors, crée, par une loi du 16 février 1943, le STO (service du travail obligatoire) et appelle les premiers désignés. Malgré les moyens importants dégagés pour aller chercher ces jeunes, jusqu’à leur domicile, c’est la résistance qui sort renforcée de cette initiative, les réfractaires rejoignant en masse les maquis en formation.
Quant à la déportation,
Celle des juifs se poursuit et s’intensifie : 255 au départ de Bordeaux en 43, sur 1660 déportés en 11 convois de 1942 à 1944, incluant des juifs de Bordeaux, et de toute la région, des réfugiés « étrangers », ceux arrêtés au passage de la ligne de démarcation et les 76 du camp de l’organisation Todt Lindermann. Très peu reviendront.
Engagée depuis 41 avec notamment le décret « Nuit et Brouillard » la déportation des résistants, s’intensifie également : 1100 déportés girondins durant le conflit et 600 rescapés. Comme le rappelle les biographies –silhouettes présentées sur le cheminement, le 24 janvier 43 c’est aussi le convoi des 280 femmes françaises, résistantes politiques, vers Auschwitz.
Mais cette année 1943, c’est aussi celle de l’espoir.
Différents évènements nationaux : en avril, les accords du Perreux, décidant la réunification syndicale de la CGT, en mai, la mise en place du Conseil National de la Résistance dont le contenu progressiste structure encore la société française. L’unification des mouvements de résistance (les MUR mouvements unis de la résistance le 26 janvier 43, les FFI forces françaises intérieur le 1 février 44-) créent une dynamique nouvelle et s’inscrivent dans une perspective, non plus seulement d’opposition à l’occupation, mais aussi de reconstruction du pays libéré.
D’autant que le contexte mondial crédibilise cet espoir.
La ville de Stalingrad est assiégée depuis septembre 42, mais le 2 février 43, l’armée soviétique boute hors les murs l’envahisseur en lui infligeant de lourdes pertes.
L’intervention des Etats Unis en Afrique du Nord assoie une base d’action pour les alliés qui interviennent avec succès en Italie et en Corse en appui du soulèvement local.
Les forces données par cet espoir seront déterminantes en 1944.
Nous y reviendrons l’an prochain.
Répétons encore une fois, que c’est parce que ces hommes et ces femmes, dans toute leur diversité idéologique et sociale ont su dire non à l’inacceptable, au péril de leur vie, que notre pays a pu se libérer et trouver le chemin de la reconstruction. Et la question aujourd’hui n’est pas de savoir ce que chacun d’entre nous aurait fait, cela nul ne le sait, mais de savoir à notre tour, s’il le faut, ne pas renoncer, et agir pour un monde meilleur.
Merci à tous, de votre attention, et de votre présence en ce jour de Mémoire. »
D’autres initiatives honorent les fusillés au fil de l’année
Celle organisée, à la Bourse du Travail CGT de Bordeaux, à la date anniversaire de la fusillade des soixante-dix otages du 21 septembre 1942 (l’essentiel d’entre eux était des syndicalistes), celles d’associations mémorielles, d’entreprises, de municipalités comme à Bègles, Eysines, Pessac, Libourne, Gare Saint Jean et caveau des fusillés au cimetière de La Chartreuse à Bordeaux, à l’AIA (Ateliers Industries Aéronautiques), à la SOGERMA (ex-SNCASO), dans les PTT… ou dans d’autres départements que la Gironde.
Organisation de visites du Mémorial érigé sur le site des fusillades, spectacles, DVD, films de témoignages, site internet rénové, dépliants, exposition nouvelle à la disposition des comités d’entreprises, des collectivités et des associations qui le souhaitent.
L’intervention en direction des publics scolaires est une préoccupation permanente. Elle se traduit essentiellement par des visites commentées de classes sur le site de Souge (mille élèves certaines années), par des rencontres dans les établissements scolaires, par une participation active au Rallye citoyen, organisé conjointement par l’Armée et l’Éducation Nationale en direction des lycéens et collégiens, par des cérémonies sur site également avec des militaires en formation.
2024 marque le dernier 80° anniversaire des fusillades à Souge. En 1944, après les 2 de 1940, les 51 de 1941, les 2 de 1943, ce sont 102 patriotes qui ont été exécutés.
Afin de rappeler l’ensemble des morts, l’Association, avec l’aide du Musée d’Aquitaine et des Archives départementales a organisé pour les bordelais et les girondins qui pour l’essentiel ne connaissent pas ces évènements 3 initiatives avant la cérémonie annuelle du 27 octobre. Ci-dessous leur description :
Les 17, 27 et 31 janvier et les 7 et 14 février 2017, dans le cadre de l’initiative Chant d’Action 2017 du Rectorat de Bordeaux, visites de 10 classes de 3ème de collèges girondins.
Du 16 au 19 janvier 2017, l’exposition sera présentée au collège Jean Zay à Cenon.
5 et 6 avril 2017, tenue d’un atelier au Mémorial lors du Rallye Citoyen organisé conjointement par l’Armée et l’Éducation Nationale.
Avril 2017, publication du numéro annuel du Journal « Souge Mémorial ».
22 octobre 2017, commémoration annuelle au Mémorial de Souge, en présence des autorités civiles et militaires.