Ci-dessous quelques écrits des fusillés depuis leur prison

« Qui que vous soyez, rendez-moi le service de faire passer ce mot à ma femme pour qu’elle ait de mes nouvelles… je vous en remercie d’avance au nom de mon enfant. Faites ce geste en mettant ce pli sous enveloppe et en l’envoyant à l’adresse ci dessous…

Ma chère femme, ma chère enfant,
Je confie ces deux mots à la bonté d’un passant qui j’espère fera le geste que je lui demande, je suis bien malheureux d’être séparé de vous, mais il faut espérer que la séparation ne sera pas bien longue…
…si tu peux venir, viens à la rue devant le numéro 8, de midi à deux heures, car à ce moment-là c’est à peu près tranquille, jeudi. Je sais que je suis rue de Pessac, au Conseil de guerre…
Je te demanderai ma chérie, de faire ce que tu pourras pour m’envoyer à manger, car j’ai faim, bouillon le matin et le soir, avec un morceau de pain gros comme le poing…
Je pense continuellement à vous et le moral travaille dur… As-tu mon vélo pour aller au jardin où tu dois avoir beaucoup de travail et ensuite faire des conserves… »
« …. quand tu viendras, pour lire le papier va-t’en un peu plus loin, et un quart d’heure après reviens pour me voir et tu t’en iras, et avant que je te lance le papier tu feras attention qu’il n’y ait personne… Tu enverras l’autre lettre à…
… si un jour tu viens et que je ne sois pas à la fenêtre, va jusqu’au bout du bâtiment et reviens. Si tu ne me vois pas, c’est que j’aurais changé de cellule…
… Je te promets que les petits pains et les œufs c’était bien bon, et c’est dommage qu’il n’y en avait que deux, mais si les autres paquets passent, là ça sera la fête… »
« … la barbe c’est 3 Frs, les cheveux 6 Frs… tu me dis que tu m’envoies le mandat, mais de combien il est ? … »
« … depuis 53 jours que je suis ici… et si j’étais condamné et que je doive passer l’hiver ici, tu m’enverras des effets, ceux que j’ai de plus vieux, car le linge est lavé à la machine et il revient dans un triste état… »
« …en attendant de vous voir à toutes les deux, reçois ma chérie les meilleurs baisers de ton mari qui pense à toi, embrasse bien fort ma Jojo. Bonjour à tous. »

Extrait des paroles d’une chanson écrite lors de la détention :

« … Le jour où je fus arrêté
Si tu savais comme je fus matraqué
Ils me laissèrent pour le moins 48 heures sans manger
Grelotant sur le bas flanc »

Trois mois avant son exécution,du Fort du Hâ où il est emprisonné,un résistant écrit à son oncle et à sa tante : (la lettre a-t-elle échappé à la censure ? a-t-elle suivi un canal de sortie clandestin ? Nous ne le savons pas) :

« Je m’attends à être condamné à mort… Les boches sont déchainés. Je vous ai déjà dit que j’attendais avec calme… Je ne regrette rien et si c’est dur pour moi de mourir à vingt-cinq ans, je me raisonne et m’apprête à faire bonne contenance devant la mitrailleuse boche. Je pense à ma mère que les assassins ont rendue folle, à mon père qui est mort certainement depuis longtemps. Camarades, faites payer aux boches nos tortures physiques et morales. Au centuple, tuez, tuez sans pitié chaque boche …
N’oubliez jamais les boches français, la sinistre bande à Poinsot, l’inspecteur principal René Perrot de Puignac (probablement Pugnac ndlr), Evrard, Célérier, Englade… Ne vous occupez pas d’une justice officielle si elle doit être longue. Faites payer les tortures, les morts, la faim qui nous tord l’estomac. N’oubliez rien.
Avant de terminer, j’embrasse tendrement ma compagne, ma courageuse amie… Qui elle aussi, souffre en prison. Dites-lui que c’est avec une pensée pleine des jours durs mais heureux que nous avons passés ensemble que je m’apprête à mourir le plus courageusement possible.
Et vous tous, chers camarades, continuez l’œuvre entreprise. Nous vous passons le flambeau. Il est, je suis sûr, en bonnes mains. Le Communisme c’est l’avenir du monde.
Je vous embrasse bien fort.
Vive le Parti communiste !
Vive la France ! »